Quand j’ai commencé à apprendre l’allemand, à l’été 2012, je ne savais pas où cela allait me mener. J’avais toujours aimé les langues. C’est justement parce que parler une langue étrangère me plaît et parce que je me sais capable de maîtriser une langue que leur apprentissage m’est plus facile qu’à d’autres.
En prenant du recul sur mon rapport avec l’allemand et sur mon expatriation en Allemagne, je peux décrire ce que la langue et le pays représentent pour moi, et ce qu’ils m’ont apporté.
Là où mon histoire avec l’allemand a commencé
En tant qu’étudiant en vacances, je me mets à la langue de Goethe, surtout pour occuper mon temps libre. Par ailleurs, j’idéalise l’Allemagne, sans y avoir jamais mis les pieds. Il me semble que le pays est écologique, la société harmonieuse, l’économie dynamique. La réputation de ponctualité et d’organisation des Allemands m’attire aussi.
J’achète donc un manuel chez Mollat, la librairie bordelaise, avec lequel j’apprends les bases de la grammaire et du vocabulaire. Pendant quelques mois, je suis les leçons du livre de façon irrégulière. Puis, je prends des cours collectifs au Goethe-Institut de Bordeaux. Ce lieu me plaît tout de suite. En parlant, je progresse et, pour la première fois, je ne suis pas seul. À ce moment-là, je commence à développer un goût pour l’allemand, ce qui peut paraître bizarre. Cette langue logique, qui me fait penser à un code à déchiffrer, devient, quand on la maîtrise, belle à écouter. Je pense par exemple que la phrase « Es überrascht mich nicht besonders » est belle, même si je n’arrive pas à expliquer pourquoi.
Au début de l’année 2014, je reprends les cours au Goethe-Institut. En parallèle, je fais un tandem avec une étudiante allemande. Celle-ci m’aide à améliorer ma compréhension et mon expression. Peu à peu, j’arrive à tenir une conversation.
Mes études terminées, je cherche un premier emploi dans différents pays d’Europe, y compris en France. Je vise surtout l’Allemagne. Après plusieurs mois de recherches, je trouve un poste à Hambourg.
Vivre en Allemagne : l’intégration dans un pays inconnu
Je ne connais rien de la grande métropole portuaire allemande. Les débuts sont donc une période de découverte de la ville et de la culture allemande, mais aussi d’adaptation.
Les premiers mois à Hambourg
Je mets les pieds pour la première fois à Hambourg pour passer mon entretien d’embauche. J’arrive donc, un soir de septembre 2014, dans le quartier d’Altona. Une large avenue passe devant moi, à la sortie de la gare. N’ayant pas de smartphone, je regarde les noms de rue pour trouver celle de mon auberge de jeunesse, en vain. J’aborde un passant pour lui demander, en anglais, où se trouve la rue de mon auberge. Il ne semble pas savoir et, pour toute réponse, m’indique une direction, sans m’en dire plus. Il n’est ni chaleureux ni loquace. Le manque d’intérêt et la froideur de la personne me surprennent. Après cet échange rapide, je ne vais pas demander à quelqu’un d’autre, et cherche mon chemin par moi-même.
Malgré ce premier contact peu agréable avec un Hambourgeois, je me rends vite compte que l’atmosphère de Hambourg, dont les habitants sont polis et discrets au premier abord, me convient. De plus, la ponctualité est importante et la communication directe, ce qui me plaît. Je découvre aussi l’importance donnée aux règles. Par exemple, une femme accompagnée d’un enfant me fait un jour une réflexion parce que je traverse un passage piéton au feu rouge.
Dans mon premier appartement, où je vis en colocation avec deux Allemands de mon âge, j’apprécie l’esprit de groupe. Nous nous entraidons et nous passons des moments conviviaux ensemble. Un jour, je vois un de mes colocataires remplir des caisses de bouteilles de bière dans la cuisine avant d’aller au supermarché. Là, il les introduit dans une machine qui sort quelques centimes. Le jeune homme s’amuse de mon air ébahi lorsque je découvre cette pratique. En Allemagne, les bouteilles de verre sont consignées.
Après avoir poussé la porte de l’appartement, je me trouve à chaque fois devant un petit meuble à chaussures accueillant plusieurs paires. Dès qu’on rentre, il faut y poser ses chaussures. Je n’en ai jamais parlé avec mes deux colocataires, mais je comprends qu’ici, il n’est pas approprié de garder ses chaussures à l’intérieur. Il est même courant de les enlever et de les laisser à l’extérieur de l’appartement. Pratique, car cela évite de salir !
Le mélange de sympathie et de rigidité des locaux me surprend, et leur caractère organisé me plaît. Par exemple, dans mon appartement, un tableau sur une feuille accrochée à un mur répartit les tâches ménagères entre les 3 colocataires. Je n’ai jamais organisé le rangement et le ménage d’une façon aussi minutieuse.
D’une façon générale, je trouve que les Allemands portent plus d’importance au confort de leur logement que les Français. Cela s’explique par le fait qu’ils passent plus de temps chez eux. Lorsque je repense à mon séjour d’un mois en Israël, je me dis que le rapport au chez-soi est différent de l’Allemagne. Bien que quelques semaines ne suffisent pas pour connaître la culture locale, j’ai trouvé les appartements où j’ai séjourné en Israël peu confortables. La météo doit jouer un rôle, c’est-à-dire que le beau temps incite les gens à vivre dehors plutôt que chez eux.
Cet aspect me saute aux yeux lors de mon premier hiver à Hambourg. Ma colocataire laisse la fenêtre de sa chambre ouverte pendant la journée pour aérer, alors qu’il ne doit pas faire plus de 5°C dehors. Elle m’explique qu’elle dort même la fenêtre ouverte. J’ai du mal à croire ce que j’entends, et j’ai froid pour elle. Je comprends alors que l’aération du lieu de vie est importante pour les Allemands. Plus tard, je découvrirai qu’il y a une raison pratique : cette habitude évite de se trouver avec des champignons sur les murs à cause de l’humidité. Dans le deuxième appartement où je me suis installé, après 3 ans de vie à Hambourg, j’ai remarqué des tâches sur les murs. Celles-ci prenaient de plus en plus de place au fil des jours. J’ai donc pris l’habitude d’ouvrir mes fenêtres tous les matins.
Non loin de mon premier logement se trouve un canal. Aux abords de celui-ci, de nombreux grands arbres s’élèvent. La zone est verte et paisible. C’est ici que, lors de mon premier été à Hambourg, je fais un barbecue avec ma colocataire et son copain. Sur le chemin, ma colocataire tient un petit barbecue portatif et son copain un sac de charbon. Arrivé sur les lieux, je vois le jeune homme ouvrir l’objet au couvercle rond et vert dans lequel il va disposer le charbon. Pendant ce temps, elle déballe la nourriture et sort les bières. J’entends des jeunes jouer au football derrière moi, mais j’ai du mal à les apercevoir car une barrière haute et des arbres cachent le terrain. Je suis détendu dans ce cadre protégé, en compagnie de gens dans la même humeur. Le charbon est assez chaud. Le couple place donc sur la grille des légumes, protégés par du papier aluminium, et des saucisses. Pendant que les aliments cuisent, ma colocataire et moi sommes assis en tailleur sur la couverture étendue sur l’herbe. Son copain se tient accroupi à côté du barbecue, une fourchette à la main. Je suis content de discuter avec des Allemands, dans leur langue maternelle. Des saules pleureurs au bord de l’eau rendent le lieu naturel. Je saisis une fourchette et prends une saucisse, que j’accompagne de moutarde Maille. Soudain, je vois la copine de mon 2ème colocataire marcher vers nous, un grand sourire sur le visage. Elle s’installe et place ses aliments sur le grill. Lorsqu’elle remarque la moutarde, elle pense que je l’ai ramené de France, alors que je l’ai acheté dans un supermarché du quartier. On devient plus français lorsqu’on vit à l’étranger. Je n’aurais sûrement pas acheté cette moutard typiquement française si j’habitais en France.
Nous mangeons en échangeant quelques paroles pendant que la nuit tombe. Je ne vois presque plus le décor, excepté les 3 personnes près de moi et le couvercle vert du barbecue qui se détache dans l’obscurité. Tout le monde semble apprécier ce moment de détente et de convivialité. Je me dis que nous allons bientôt rentrer, mais nous continuons à discuter jusqu’à tard dans la nuit. Cette première expérience autour d’un barbecue en Allemagne m’a plu. Dans le pays, la pratique est souvent autorisée dans les parcs. J’en ferai bien d’autres dans les années suivantes.
Mes premières visites chez le médecin en Allemagne sont amusantes et pleines de surprises. Tout d’abord, les docteurs ont tendance à me raconter leurs vacances ou leurs études dans l’hexagone. Ainsi, après plusieurs années d’expatriation, je me demande quand il va commencer à parler de la France. Dès le début de la consultation ou après m’avoir examiné ? Mon accent français me rend tout de suite sympathique. Les Français me semblent être appréciés en Allemagne, plus que les Allemands en France. Par ailleurs, les médecins me conseillent presque tout le temps de boire du thé et de manger du miel pour soigner mon rhume, au lieu de me prescrire des médicaments. Depuis, le thé au citron et le miel sont les premiers remèdes que j’applique lorsque je suis malade.
Un autre aspect qui me surprend à Hambourg est qu’ici, les gens sont peu chaleureux et peu communicatifs au premier abord. De plus, dans les transports en commun, il n’y a pas beaucoup de bruit. Par exemple un samedi soir, alors que je vais en S-Bahn, l’équivalent du RER, en centre-ville, le calme règne dans la rame. À Bordeaux, dans le tramway, il y a souvent de l’animation aux heures tardives.
Les premiers mois passés, l’euphorie retombe. Je dois m’adapter à un nouveau pays, à une langue qui me demande des efforts de concentration et à un nouvel emploi. Cette expatriation est donc aussi un défi permanent.
Mes progrès en allemand
Tout de suite après mon installation, je veux parler dans la langue de mon pays d’accueil, surtout avec mes colocataires allemands et avec mes collègues. Lorsque je ne sais pas exprimer ce que je veux dire, je passe à l’anglais.
Après quelques mois, je commence des cours au Goethe-Institut de Hambourg. Je me fais des amis parmi les élèves venant de pays variés, comme les Pays-Bas, la Chine, la Grèce et l’Italie. L’atmosphère internationale de ce lieu d’échange, d’études et de rencontres me plaît.
Les cours de niveau B1 puis B2 permettent de m’améliorer, mais je sens que mes progrès sont lents. J’aime le fait que toute langue a, au début, une courbe d’apprentissage rapide. Ensuite, une fois les bases acquises, l’apprentissage des formes verbales plus compliquées et des règles de grammaire, ainsi que la rédaction de textes longs demandent des efforts. Le fait de vivre dans le pays m’a aidé à ne pas décrocher.
Presque toujours, dès que je parle à un inconnu, il reconnaît mon origine à mon accent français. Cela ne me dérange pas, mais parfois, la personne passe tout de suite à l’anglais, voir même au français.
Environ 2 ans après mon installation à Hambourg, alors que je parle en allemand avec des amis lors d’une soirée, je me rends compte que mon niveau dans la langue de Goethe dépasse celui en anglais.
Enfin, lorsque j’obtiens mon certificat C1 en 2017, j’arrête les cours. Désormais, je progresserai en pratiquant.
Entre l’Allemagne et moi, une relation particulière
J’ai passé 8 années outre-Rhin. Une des choses qui m’y plaît le plus est la fiabilité des services publics. Il est facile de s’installer en Allemagne, et je trouve que l’administration fonctionne bien. Un autre aspect appréciable est la qualité de vie des villes allemandes, qui sont souvent végétalisées et peu denses. J’ai visité les principales villes du pays, une de mes préférées étant Potsdam. Cependant, je sais que tout n’est pas rose en Allemagne.
Dans l’aéroport de Hambourg, des citations de personnalités ayant un lien avec la ville, comme Karl Lagerfeld ou John Lennon, ornent un pan de mur. Une d’elles est “La ville est un mystère pour moi. Encore aujourd’hui”. Cette phrase fait écho à mon goût pour l’Allemagne, pour Hambourg et pour la langue allemande, que je n’explique pas.
Les difficultés rencontrées pendant mon intégration en Allemagne m’ont beaucoup apporté, et je pense que l’expatriation est une école. Elle m’a permis de développer mon humilité, car il faut mettre de côté ses habitudes et sa perception du monde pour comprendre la culture du pays d’accueil. L’expatriation demande aussi de la patience, car aller dans un nouvel environnement et s’y sentir à l’aise prend du temps. Mon expérience à Hambourg m’a enfin appris la tolérance et l’ouverture aux autres cultures, notamment parce que je me suis mélangé avec des locaux et avec d’autres étrangers.
Les langues étrangères ouvrent des portes et construisent des ponts
J’ai trouvé mon premier emploi en partie parce que je parlais déjà un peu allemand. Par la suite, le fait de parler 4 langues m’a aidé dans mes postes en vente car je pouvais communiquer avec des clients dans leur langue maternelle. Dans ma vie privée, je peux mieux communiquer avec des gens d’origine diverses.
Je pense qu’il y a bien d’autres avantages à apprendre une nouvelle langue, comme se stimuler intellectuellement, faire des rencontres et mieux profiter de vacances à l’étranger. C’est comme casser un code qui rend la vie plus facile et plus colorée.
J’ai déménagé à Bordeaux l’année dernière et, depuis, je pratique les langues étrangères que je maîtrise déjà, pour maintenir mon niveau. De plus, j’ai eu envie d’apprendre une nouvelle langue, bien différente de celles que j’avais déjà apprises.
Ainsi, quelques semaines après mon installation en France, je me retrouve donc à nouveau au rayon « Langues » de Mollat. Mon choix se porte sur l’hébreu, car j’aime écouter ses locuteurs parler et car les caractères hébraïques élégants m’intriguent. Je sais que peu de gens parlent cette langue, en dehors d’Israël. Il me sera donc difficile de pratiquer avec des personnes ayant l’hébreu pour langue maternelle. Après avoir feuilleté quelques manuels, j’en emporte un.
Je me dis qu’une nouvelle aventure commence, sans savoir où elle me mènera. Une expatriation ? Des rencontres ? Des opportunités professionnelles ? J’essaie de ne pas y penser. Dans tous les cas, cela m’ouvrira l’esprit et stimulera mon cerveau.
Et vous, comment avez-vous appris les langues que vous maîtrisez ? Qu’est-ce que ces langues vous ont apporté ?
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