Chasse au trésor dans une brocante

Au rez-de-chaussée d’un immeuble ancien du quartier Saint-Pierre à Bordeaux se trouve la brocante « Au Dénicheur ». Je m'y suis rendu pour trouver un article utile parmi l'immense diversité des objets de la boutique.
Devanture de la brocante "Au Dénicheur" dans le quartier Saint-Pierre de Bordeaux

J’allais dans cette boutique lorsque j’étais étudiant pour me laisser surprendre par un objet insolite ou pour trouver des idées de cadeaux. Je m’y rends de nouveau après plusieurs années sans y avoir mis les pieds.


Dès que je rentre dans la boutique, je suis marqué par le fort mélange d’odeurs. C’est tout d’abord l’odeur des vieux objets qui s’y trouvent. Celle-ci ressemble au parfum se dégageant d’un vieux livre feuilleté rapidement. C’est aussi l’odeur des meubles anciens en bois sur lesquels reposent les objets. C’est enfin l’odeur de renfermé qui me fait penser à une cave ou à un grenier.

Je suis immédiatement surpris par la quantité et la diversité des objets devant mes yeux. Par exemple, je vois une boîte aux lettres jaune abîmée à l’allure ancienne. Le propriétaire de la boutique, prénommé Thierry, m’indique que la boîte aux lettres date de 1898 et que c’est la première en France. Je suis surpris en apprenant cette information car je ne pensais pas que l’objet serait aussi ancien. Thierry ajoute que c’est actuellement le plus vieil objet de sa boutique et précise qu’il a déjà eu une pièce encore plus ancienne, datant du XVIe siècle. Ce n’est plus un objet de brocante mais bien une pièce de musée !

Je suis à la recherche d’un objet coûtant moins de 10 euros qui puisse m’être utile et me faire plaisir. Dans cette caverne d’Ali Baba, je vais sûrement dénicher quelque chose à mon goût.

Je ne sais pas vers où me diriger tellement il y a d’objets, et décide donc d’inspecter des caisses en bois posées à côté de l’entrée et contenant des vinyles anciens. Je m’intéresse particulièrement aux vinyles de jazz, de variété française et de guitare sèche. Une pochette colorée illustrée par une dizaine de petits portraits des jazzmen représentés dans la compilation me plaît particulièrement.

En me retournant, je trouve une boite en bois contenant des blocs-notes ornés du logo de vieilles marques de boisson célèbres telles que Cinzano, Martini ou Vittel. Je pourrais écrire dessus des listes de tâches ou de courses car leurs feuilles se détachent. Par ailleurs, lorsque je ne suis pas chez moi, ils me seraient utiles pour noter des idées de textes ou de formulations qui me viennent à l’esprit et que j’aime. J’en saisis plusieurs dans la main et j’admire leur élégant style vintage. Je remarque sur un des blocs-notes que le papier est flétri et jauni. J’en déduis que quelqu’un a renversé un liquide dessus, il y a longtemps. Puis je repose ces articles publicitaires. Je ne suis qu’au début de la boutique. Ainsi, il se peut que je trouve plus loin un objet qui me plaise encore plus.

Boite remplie de bloc-notes de marques de boissons dans la brocante "Au Dénicheur"
Blocs-notes anciens

En avançant dans l’allée principale, je passe devant la caisse, derrière laquelle se trouve Thierry. Sa grande silhouette se déplace à différents endroits de la boutique pour aller renseigner les visiteurs. J’aime écouter lorsqu’il parle avec des clients, dans un style poli mais informel, de l’histoire ou de la fonction des objets. En discutant avec Thierry, je comprends qu’il a développé son commerce sans publicité sur Internet, car il n’a ni smartphone, ni ordinateur. Je suis partagé sur ce sujet.

D’un côté, le fait qu’il n’ait pas accès à la technologie moderne le rend plus disponible pour communiquer en face-à-face avec les gens. Par exemple, des gens vendent parfois à Thierry des ustensiles ou des appareils anciens dont il ne connaît pas la fonction. Plus tard, si un visiteur de la boutique voit l’objet et le reconnaît car ses grands-parents en possédaient un, il lui explique ce que c’est. Ce que je veux dire ici, c’est que Thierry n’aurait pas la chance d’avoir ce genre d’échanges intéressants et surprenants s’il se renseignait sur Internet à propos des objets qu’on lui vend.

D’un autre côté, moi qui suis habitué à avoir accès à l’information instantanément depuis mon smartphone, je ne conçois pas le fait de s’informer à une allure aussi lente et dans un champ aussi restreint. C’est pour cela que je pense que Thierry passe à côté de nombreuses possibilités de s’informer et de communiquer. Les ventes aux enchères sont un exemple qui illustre bien ce manque. Thierry faisait des ventes aux enchères en personne il y a quelques années, mais il a dû arrêter depuis que celles-ci ont lieu uniquement en ligne.

Par ailleurs, je suis abasourdi quand je pense qu’Au Dénicheur a réussi à se maintenir dans ce beau quartier sans promotion autre que le bouche-à-oreille et en gardant la même apparence. En effet, il y a 10 ans, ses aspects intérieur et extérieur étaient presque les mêmes que ceux d’aujourd’hui. J’admire Thierry pour avoir su bâtir un commerce viable sans faire de publicité ni d’investissement dans le réaménagement de ses locaux. D’après moi, la pérennité de la boutique tient à la rareté des objets et à l’emplacement idéal. À ce sujet, Thierry me surprend lorsqu’il me dit que, lorsqu’il s’est installé ici il y a 20 ans, le quartier était mal fréquenté. Heureusement pour lui, Saint-Pierre a évolué en bien pour devenir aujourd’hui un des quartiers les plus touristiques de Bordeaux. J’aime les terrasses des nombreux restaurants et cafés, les ruelles pavées et la charmante petite place Saint-Pierre. Je trouve particulièrement agréable de s’y promener tôt le matin, lorsque le calme règne et que les cafés sont les seuls commerces ouverts, et le soir, pour l’ambiance animée.

Quelques questions à Thierry

Pierre le reporter : « Le mot qui me vient à l’esprit lorsque je vous vois dans votre boutique est ‘passion’. Vous avez l’air d’être passionné par votre métier.

Thierry : C’est une passion que j’ai depuis tout petit. Je suis tombé dedans comme Obélix dans la marmite de potion magique.

La passion du collectionneur ?

Collectionneur est un grand mot. Disons que j’aime les objets. Mon thème de prédilection, ce sont les vieux commerces. Ce qui m’intéresse dans mon métier est que j’apprends quelque chose de nouveau chaque jour.

À travers vos discussions avec les gens ?

Oui, par exemple, lorsque quelqu’un m’apporte un nouvel objet, parfois je ne sais pas ce que c’est car je n’ai pas Internet. Ce n’est pas pour moi. J’en apprends sur l’objet en échangeant avec les gens. Un autre exemple : si quelqu’un vient et recherche un poster des Rolling Stones, il va commencer à me parler du concert des Stones auquel il a assisté en Angleterre en telle année, il va me dire que cette année là Ron Wood n’était pas là… C’est un échange permanent.

Où trouvez-vous les objets ?

C’est très vaste. C’est soit des successions, soit des rachats de collection, des échanges, etc.. Avant, je faisais aussi des ventes aux enchères, mais j’ai arrêté car ça ne se passe que sur Internet maintenant. C’est une nouvelle façon de travailler, mais je ne vois pas l’intérêt d’acheter un objet d’occasion sur Internet. Si je n’ai pas l’objet dans la main, je ne peux pas l’acheter. Après, je ne critique pas Internet parce que c’est ce qui se fait de mieux en termes de rapidité et de richesse de l’information. Le truc, c’est que ça a changé beaucoup de choses dans le secteur. Quand je vois des gens qui cherchent des objets avec leur smartphone, qui regardent sur l’application le prix de l’objet pour savoir si ça vaut le coup de l’acheter pour le revendre sans s’intéresser à l’objet, je ne vois pas l’intérêt. Je ne suis pas là pour faire du business, je suis là pour le partage et aussi pour en vivre, mais avant tout pour le partage. C’est la raison numéro 1 de la boutique (rires).

Quelle est votre période de l’histoire préférée ?

Je n’aime pas le mot « préférée », mais la seconde guerre mondiale m’intéresse particulièrement car mon grand-père, qui va faire 100 ans bientôt, a connu la guerre. Il était réfractaire au STO et a vécu dans la clandestinité. C’est une période qui m’intéresse à cause de l’histoire de mon grand-père, mais j’aime d’autres périodes, comme le Moyen-Âge et l’Antiquité… »

Je vois sur une des étagères des cendriers datant d’il y a quelques décennies et dont la taille me semble démesurée. Je me dis en souriant que leur taille est adaptée à la forte consommation de cigarettes en France à leur époque. J’en saisis un dans les mains. Son logo de marque et ses motifs géométriques soignés sont élégants. Il ferait un bel objet de décoration, mais je ne le prends pas car je possède déjà chez moi un cendrier, acheté au Dénicheur. Celui-ci a une utilité, bien que je sois non-fumeur. J’y dépose en effet mes clés.

En me retournant, je trouve un casque militaire orné d’une petite étoile rouge me laissant penser qu’il est soviétique. Lorsque Thierry m’apprend qu’il est chinois, il perd immédiatement en intérêt à mes yeux. Je m’étais déjà imaginé que le casque avait servi lors de la bataille de Berlin. Je suis surpris d’apprendre par Thierry que les casques soviétiques de la seconde guerre mondiale se vendent entre 500 et 600 euros.

Je vois alors de l’autre côté de l’allée plusieurs caisses de vin remplies de livres soigneusement rangés. Un ouvrage d’un philosophe dont j’ai entendu parlé, Paul Ricœur, m’interpelle. Je lis la quatrième de couverture sans intérêt car je ne comprends pas les thèmes abordés, je repose le livre puis je regarde les autres livres dans la même caisse. C’est là que je vois avec attrait un roman d’Amor Towles, Les Règles du jeu. J’ai lu il y a quelques mois un autre livre du même auteur, Un gentleman à Moscou, qui m’avait beaucoup plu. Celui-ci raconte l’histoire d’un comte russe assigné à résidence par les communistes dans un hôtel à Moscou au début des années 20. Le livre m’a plu par son ton humoristique et léger malgré l’atmosphère grave de l’époque. J’ai aimé particulièrement le caractère virevoltant du comte ainsi que le cadre du récit, à savoir un palace luxueux dans l’URSS de l’entre-deux-guerres. Ce roman historique m’avait tellement plu qu’il m’avait réconcilié avec la lecture.

En voyant le nom d’Amor Towles sur la couverture du roman « Les règles du jeu », je suis donc enthousiaste. En lisant la quatrième de couverture, j’apprends qu’il a pour décor le New-York de 1938. Cette seule information suffit pour m’intéresser. Le livre raconte l’histoire d’une jeune fille d’immigrés qui cherche à intégrer l’élite de Manhattan. Je décide sans trop réfléchir de le prendre avec moi.

Première de couverture du livre " Les règles du jeu" d'Amor Towles

Je marche quand même, au lieu de quitter le lieu, jusqu’au fond de la boutique. Peut-être vais-je tomber sur une pièce qui m’intéresse encore plus ! J’admire de belles affiches publicitaires datant sûrement des années 50 qui semblent dessinées à la main. Elles vantent les mérites de produits variés, comme une boisson apéritif française ou une marque d’huile moteur américaine. Je me dis, en pensant aux annonces sur les moteurs de recherche d’aujourd’hui que, depuis ses débuts, la publicité a bien changé. Les modes de mise en avant des produits et services se sont en effet, avec Internet, diversifiés au fil des décennies.

En me retournant, mon sac à dos touche des grands vases en verre qui tombent presque par terre. Le soulagement passé, je me dis que l’espace rempli d’objets est vraiment étroit. Toujours à la recherche d’objets fascinants, je vois une dizaine de belles chopes à bière allemandes en grès ou en verre. Elles évoquent pour moi d’excellents souvenirs de convivialité et de bonne humeur partagée autour d’une bière dans des brasseries en Allemagne. J’hésite à en prendre une pour y mettre des stylos sur mon bureau mais je décide finalement de ne pas en prendre car je possède déjà de nombreux récipients.

Ensuite, en tournant la tête, je vois d’élégants miroirs décorés avec des logos de marques de bière. Je les imagine fièrement accrochés à un mur dans un bar en Allemagne il y a plusieurs décennies. Cette vision me plaît.

Je suis arrivé au fond de la boutique. Je décide alors de revenir à l’entrée pour prendre un bloc-notes. Un support pour écrire est toujours utile et j’aime leur style vintage. J’en choisis un de la marque Martini que je trouve élégant.

Je règle les deux objets pour un montant de 5 euros. Le livre, un roman historique, genre que j’aime particulièrement, me divertira, j’espère. Le bloc-notes me servira à mieux m’organiser et à écrire lorsque je ne suis pas chez moi.

Je sors de la boutique mes deux achats à la main et retrouve la lumière du soleil, l’animation des terrasses et les vieux pavés. La chasse au trésor a été réussie.

Le livre d'Amor Towles "Les règles du jeu" et un bloc-notes de la marque Martini

Et vous, où allez-vous pour trouver des produits d’occasion ? Quels objets de décoration aimez-vous particulièrement ?

Dites-le en commentaires !


Au Dénicheur

12 Rue de la Cour des Aides, 33000 Bordeaux, France


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8 commentaires

  1. Bonjour pierrelereporter,
    L’activité de Thierry Au Dénicheur est vraiment dans l’air du temps si l’on en croit l’abondance des brocantes, vide greniers, vide maison, etc qui fleurissent un peu partout et rencontrent du succès.
    La nécessité de se procurer des objets utiles d’occasion et bon marché donne toute sa place à ce commerce. En outre, le premier impératif écologique dans la gestion des déchets est leur utilisation de nouveau, sans opération de traitement ( remise en état d’objets d’occasion ) et le second est leur retraitement pour remplir leur fonction initiale ou d’autres fonctions ( chopes de bière utilisées comme porte crayon )
    Mais au-delà de ces aspects utilitaires, le plaisir de chiner, d’échanger avec un vendeur comme Thierry ou d’autres acheteurs, de dénicher des objets anciens ayant une histoire et qui ne sont plus fabriqués, de donner ainsi plus de vie, de chaleur et d’originalité à son intérieur compte tout autant sinon plus.
    Pour ma part j’aime flâner dans les brocantes et boutiques solidaires dont les recettes servent à la réinsertion ou à des associations caritatives comme Emmaus ou Amos.
    J’aime aussi les autres brocantes pour leurs livres surtout.
    Un grand merci pierrelereporter pour cette adresse sympa que je ne connaissais pas et dont ton descriptif donne envie d’aller y faire un tour!

      • Habitant La Rochelle j’ai decouvert par hasard il y a quelques semaines cette brocante . Le lieu est petit mais richement remplis d’objets anciens . Pour les passionnés de bels choses allez y vous ne regretterez pas .
        Les brocantes , les dépôts ventes , les Emmaüs sont de véritables cavernes d’Ali Baba . J’y retournerai lorsque j’irai voir ma fille actuellement en études à Sciences Po Bordeaux .

        • Je suis content que vous ayez apprécié la visite de cette brocante. Ce week-end, j’ai découvert une brocante à Bordeaux qui m’a beaucoup plue : Le Village Notre-Dame, située rue Notre Dame, aux Chartrons. J’ai notamment apprécié le large choix de livres et de revues. J’aurais pu y rester des heures !

  2. Bonjour dommage qu’il n’y est pas une boutique comme ça sur Paris merci cordialement

  3. Bonjour pierrelereporter,
    Au fil de vos pas, j’ai déambulė avec vous dans cette merveilleuse brocante au milieu de tous ces objets qui ont tous une histoire.
    J’imaginais vos trouvailles dans mes mains. J’espère que le livre vous a plu et peut-être avez-vous déjà noirci quelques pages du calepin lors d’un autre voyage.
    Je me suis plongée avec bonheur dans la lecture de votre reportage.
    Cordialement
    Lyssyl

    • Bonjour Lyssyl,
      Merci pour la lecture de mon article et pour vos mots qui me font plaisir. Comme vous le dites, tous les objets ont une histoire, et c’est ce qui les rend fascinants.
      J’ai commencé le livre il y a quelques jours et les premières pages me plaisent beaucoup. J’ai été immédiatement plongé dans l’histoire.
      Je pense rarement à emporter mon bloc-notes lorsque je sors de chez moi, contrairement à ce que j’avais pensé. Je l’utilise surtout pour noter des idées lorsque je suis chez moi.
      Cordialement,
      Pierre

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