Une soirée bordelaise entre douceur de vivre et Histoire

Bordeaux est une ville ancienne mais les traces de son passé sont rarement visibles au premier abord. Pour les remarquer, il faut prendre son temps. C'est ce que j'ai fait lors d'une soirée d'été.
De nombreux bâtiments sur les quais de Bordeaux datent du XVIIIe siècle.

Cela va vous étonner, mais je n’ai pas pris de vacances l’été dernier. Au lieu de cela, j’ai redécouvert Bordeaux, où je vis depuis peu. Une agréable ambiance de vacances régnant dans le centre-ville s’est vite dévoilée à moi.

Un soir d’été, après un après-midi de forte chaleur, je sors faire une balade à vélo pour me rafraîchir.


La révélation de lieux datant du XVIIIe siècle

Je débute mon parcours place Gambetta qui représente, pour moi, la porte du centre-ville de Bordeaux. Sans doute parce que la densité des restaurants et des bars s’intensifie. De plus, plusieurs rues qui la rejoignent sont piétonnes.

Sur une façade d’un immeuble faisant l’angle de la place avec une rue, je remarque une inscription à moitié effacée sur la pierre blonde : « Place Dauphine ». Je devine que la construction de la place a eu lieu avant la révolution française car l’adjectif « dauphine » fait référence au successeur du roi. Quand a-t-elle été renommée ? Probablement au début du XXe siècle. Je trouve cet endroit magnifique car les façades sont soigneusement décorées de belles fenêtres.

Au-dessus de celles du premier étage, je vois des visages sculptés dans la pierre. Chacun est différent ; certains sont souriants, d’autres ont un air grave. Cependant, la plupart sont pensifs ou calmes. La tête levée, je regarde les dizaines de figures de pierre qui entourent la place. Leur présence me surprend. Comment ai-je fait pour ne jamais les remarquer alors que je suis venu des centaines de fois ici ? Cependant, à ce moment, je me rappelle avoir entendu parler de cette particularité architecturale, les mascarons.

Les mascarons, observateurs des places bordelaises

La plupart des mascarons de Bordeaux datent des XVIIe et XVIIIe siècles. Ils furent gravés dans la pierre des nombreuses façades construites à cette époque. Les mascarons représentent souvent des visages de personnes inconnues, de divinités grecques ou romaines et d’animaux. En ornant les bâtiments du centre historique de Bordeaux, ces visages apportent une touche de fantaisie à l’architecture.

J’arrive au centre de la place que je traverse en slalomant entre les gens assis sur les banquettes blanches. En voyant les groupes de jeunes personnes discuter dans la bonne humeur, j’ai du mal à m’imaginer que la place accueillait la guillotine pendant la Révolution française. Je me dis que l’apparence et l’ambiance des lieux ont bien changé depuis.

Puis j’atteins le haut du cours de l’Intendance. J’aperçois les gens assis aux terrasses des cafés et restaurants de part et d’autre de la voie. L’endroit est bruyant car de nombreuses voitures y passent. J’arrive cependant à entendre le son des conversations provenant des terrasses. De nombreux touristes doivent se trouver parmi eux car l’endroit a un aspect de carte postale d’une ville française. Je vois des faux balcons typiquement français. De plus, des garçons de café vêtus d’un pantalon noir et d’une chemise blanche s’agitent pour servir les clients. Plus loin dans le cours de l’Intendance, je distingue les boutiques des marques de luxe qui pourraient se trouver dans n’importe quelle grande ville dans le monde. Elles n’ont rien de particulièrement français.

Je continue ma route sur le cours de Verdun. Sur une façade, je lis l’inscription « Cours du Jardin Royal » dissimulée par un panneau. J’en déduis que c’était le nom d’origine de Jardin Public qui se trouve à ma gauche. Comme la place Gambetta, ou plutôt Dauphine, il a donc été construit sous le règne d’un roi de France. La présence, sur l’élégant portail d’entrée, de fleurs de lys me confirme qu’il date de la monarchie.

Dès que je pénètre dans le Jardin Public, je suis ébloui par la verdure et l’aspect bucolique. Je me plais dans ce petit parc car il est situé dans un quartier où j’aime me promener. La beauté de l’architecture des bâtiments, qui datent du XVIIIème siècle, y est pour beaucoup. Le Jardin Public a été créé pendant la même période avec pour but d’améliorer la santé des habitants. En voyant les visages détendus des gens étalés dans l’herbe, je me dis que c’est réussi. Je progresse sur les allées et tombe sur un étang entouré de grands arbres où nagent des canards. Cette eau m’apaise.

Le siècle d’or du port de la lune

Au XVIIIème siècle, Bordeaux était le premier port du royaume de France et une ville de province de premier plan. Son importante activité maritime, notamment grâce au commerce du vin, fit sa prospérité. Le port de Bordeaux a aussi participé à la traite négrière. Une statue d’esclave noire sur les quais rappelle ce triste passé. Le développement économique de la ville, qui avait jusqu’alors un aspect médiéval, s’est traduit par une transformation de son architecture. De nombreux bâtiments, places et cours admirés par les touristes et les habitants de nos jours, comme le Grand Théâtre et la place de la Bourse, ont été construits pendant cet apogée.

Les bruits des discussions et des enfants jouant dans les allées du jardin m’accompagnent. J’entends aussi ici et là des paroles en espagnol ou en allemand qui me rappellent la présence de nombreux touristes étrangers. Je souris en voyant l’expression de curiosité sur leur visage. J’aimerais aussi découvrir une nouvelle ville lors d’un voyage à l’étranger.

Après avoir assez profité de l’ambiance détendue et de la nature, je sors. Pour rejoindre les quais, j’emprunte le cours Xavier Arnozan. J’admire deux rangées d’arbres le long de la voie. J’assiste avec envie à une partie de pétanque entre amis. Trois d’entre eux, une bière à la main, se tiennent derrière le tireur qui vise une boule. D’après moi, c’est un endroit idéal car l’allée est ombragée par les arbres et est recouverte de gravillons blancs. En bref, un terrain de pétanque qui s’étend en longueur sur des dizaines de mètres. Sur les façades des beaux immeubles, je remarque des balcons ornés de ferronneries. Je trouve qu’ils embellissent la vue et rendent le cours encore plus élégant.

Lorsque j’arrive au bout de la voie, un édifice particulièrement majestueux attire mon attention. Deux petites tours d’observation ornent son toit. Sa porte bleu marine est entourée de deux colonnes de part et d’autre et est surmontée d’un motif en forme de demi-cercle. Je m’approche et lis sur le bâtiment une plaque commémorative. Cet édifice, l’hôtel Fenwick, a été construit de 1796 à 1799 pour le premier consul des Etats-Unis dans le monde. Cela en dit beaucoup sur l’importance de Bordeaux à cette époque. Je pense que le consul Fenwick profitait à l’époque d’une vue magnifique sur le fleuve.


De part et d’autre de la Garonne, deux atmosphères différentes

Je m’assois sur un banc pour apprécier l’animation des quais et la vue magnifique sur ses bâtiments. Alors que les Bordelais, après la guerre, avaient été privés pendant environ 40 ans des quais de la rive gauche, ces derniers sont, depuis leur réaménagement, appréciés et animés. Je remarque des terrasses de bars ou de restaurants. Des gens y sirotent un verre entre amis ou entre collègues.

Je ressens un courant d’air sur ma tête et mon avant-bras. Tout d’un coup, je sens une odeur désagréable de nourriture. Celle-ci doit venir d’un restaurant, ou de l’immense yacht accosté au quai depuis plusieurs jours. Je contemple le ciel qui a un aspect homogène mais compte plusieurs nuances de bleu. Un bleu foncé presque gris, un bleu aux reflets roses typiques des couchers de soleil bordelais et, enfin, un bleu clair, presque blanc.

Puis, je traverse le fleuve pour me balader sur la rive droite. L’ambiance y est plus calme et le décor plus végétal que sur la rive gauche. Je rejoins le parc aux Angéliques. J’ai découvert récemment ce coin de verdure à l’écart de l’agitation du centre-ville.

Depuis un banc à quelques mètres de l’eau, j’admire le fleuve et les quais de l’autre côté. J’entends derrière moi rouler les voitures sur la route longeant le parc. Si je faisais abstraction de leur bruit continu, je me croirais à la campagne, au bord du fleuve plus en amont. J’imagine le bruit d’un tracteur ramassant des bottes de foin et le grésillement incessant des cigales. Je pourrais me mettre les pieds dans l’eau sans craindre la saleté de la Garonne coulant à Bordeaux.

Les arbres devant moi cachent la grandiose place des Quinconces, de l’autre côté du fleuve. Le magnifique feuillage vert forme un dégradé impeccable sous l’effet de la lumière du soleil. En effet, je vois sur les branches les plus proches de moi des feuilles d’un vert sombre, presque noir. À l’autre extrémité de l’arbre, les feuilles éclairées par le soleil ont une couleur jaune orangée. Les moustiques de plus en plus nombreux me forcent à quitter l’endroit paisible. Ainsi, je me remets en selle pour traverser à nouveau le fleuve, cette fois-ci sur le pont de pierre.

Depuis le pont, j’admire les belles façades de la place de la Bourse. La promenade des quais grouille de monde.

J’arrive chez moi alors que la nuit va bientôt tomber. Demain, la rentrée des classes annoncera la fin de l’été, mais j’espère que la douceur de vivre restera encore plusieurs mois.


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2 commentaires

  1. Quelle belle description de Bordeaux, j’ai aimé la lire. J’aime beaucoup voir le changement des façades en pierre poreuse lorsqu’elles sont lavées, le contraste des couleurs.

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