Comment j’ai fait le tour du plus grand estuaire d’Europe à vélo

Découvrez les rencontres que j'ai faites et les difficultés que j'ai trouvées lors de ma randonnée à vélo autour de la Gironde, au milieu de paysages sublimes.
Chemin de terre près de Mortagne-sur-Gironde lors d'une randonnée à vélo autour de l'estuaire de la Gironde.

Les randonnées à vélo de quelques jours ont un goût d’aventure, me donnent une sensation de liberté et comportent des imprévus. Je trouve qu’il y a peu de possibilités pour faire de telles expéditions au départ de Bordeaux. Une d’elles est une boucle d’environ 250 kilomètres autour de l’estuaire de la Gironde.

Moi qui aime faire du vélo dans la nature, parcourir ce trajet m’a tout de suite attiré. L’itinéraire passe par les forêts de pins et les plages de l’océan, dans le Médoc, puis longe la rive droite de l’immense estuaire. Mon objectif est de parcourir le trajet en 3 jours.


Itinéraire d'un tour de la Gironde à vélo en 3 jours

Guide pratique pour un tour de la Gironde à vélo

  • Départ et arrivée : Bordeaux.
  • Distance totale sans faire de détour : 252 km, distance jusqu’à Margaux (en finissant le trajet en train) : 222 km.
  • Durée : entre 3 et 5 jours.
  • Quel vélo ? Une piste cyclable de bonne qualité traverse le Médoc, jusqu’à Lacanau puis le long de l’océan. Sur la portion entre Royan et Blaye, l’itinéraire emprunte parfois des chemins de terre et des routes de qualité moyenne. Un gravel bike, un vtt et un vélo de randonnée conviennent. Il est indispensable de disposer d’un porte-bagage.
  • Quoi emporter dans les bagages ? Un gilet jaune pour être vu/e, des lunettes de soleil, de la crème solaire, un stick à lèvres (l’air sec gerce les lèvres) et un chargeur pour téléphone portable. En fonction de la saison, vous pouvez emporter un hamac, ou bien une tente et un tapis de sol, sans oublier un duvet.
  • Où dormir ? Il y a de nombreux campings dans le Médoc, au milieu des pins, près de la côte. Sur la rive droite, vous pouvez aussi dormir en camping ou réserver une chambre d’hôtel, mais il y a moins d’offres.
  • Où se restaurer ? Pour ne pas trop se charger, je conseille de n’emporter aucune nourriture dans les bagages. Il y a de nombreux endroits où se restaurer à Lacanau, Soulac, Royan et Blaye. Gardez en tête que, le week-end et les jours fériés, vous pourriez avoir du mal à trouver des endroits ouverts sur certaines portions en-dehors des villages.

Une journée de mise en jambes dans un cadre enchanteur

Lorsque j’observe mon vélo avant de me mettre en selle, le samedi à 8 h 30, je me dis que mon bagage, fixé sur le porte-bagage, à l’arrière, est trop chargé. Le contenant noir est tendu sous la pression du contenu et semble prêt à exploser. Pourtant, j’ai emporté le strict nécessaire. Il y a une tente, un sac de couchage, un tapis de sol et le minimum de vêtements et d’équipements. Pas de nourriture, juste de l’eau.

Après quelques kilomètres laborieux à travers l’agglomération bordelaise, j’atteins avec soulagement la piste cyclable allant à Lacanau. Les odeurs de la forêt me souhaitent la bienvenue. Je me demande d’où viennent ces senteurs épicées délicieuses. Des plantes situées entre la piste et les arbres ? De la résine des pins ? Des fougères ? Ces parfums me rappellent la réglisse et la menthe.

Tout d’un coup, des vélos de route me dépassent. En les voyant s’éloigner devant moi dans la ligne droite, j’ai l’impression que leur monture glisse sur l’asphalte sans qu’ils n’aient à faire d’efforts. C’est pour cela que je pense à m’acheter un vélo plus léger que le mien.

Retrouver cet environnement composé de pins densément plantés, de végétation marron entre les arbres et d’aiguilles de pin étalées à côté de la piste me ravit. Je sais que ces 3 jours sont une période d’introspection et de réflexion. Dans ces longues lignes droites, je me dis que j’ai de la chance d’être en bonne santé pour faire ce trajet. Je pense aussi que je pourrais raconter mon aventure à mes amis à Bordeaux. De plus, je vais retrouver des amis à Hourtin à midi pour déjeuner. La perspective de cette halte pendant laquelle je pourrais parler de mon itinéraire et de bien d’autres sujets me motive.

L’environnement naturel défile sous mes yeux avec, devant moi, la ligne droite dont je ne vois pas le bout.

Un cycliste me double. Même si je suis plus lent que lors de mes précédentes sorties à vélo, je me dis que je peux le suivre. En me collant derrière lui, je pourrais limiter les efforts.

J’accélère en forçant sur mes cuisses pour me positionner juste derrière lui.

J’avance plus vite en faisant les mêmes efforts qu’avant, comme si je pénétrais dans l’air avec le vent dans le dos.

Après quelques centaines de mètres, mon souffle se raccourcit, ma respiration devient bruyante et mes cuisses chauffent. Le cycliste prend petit à petit de l’avance.

Je ralentis soudainement pour reprendre mon rythme normal, et vois mon coéquipier éphémère s’éloigner.

Tout d’un coup, la couleur du décor change.

Des pins au tronc noirci entourent la piste sur des centaines de mètres. Sur certaines parcelles, il n’y a plus d’arbres debout. Je remarque des troncs soigneusement coupés rassemblés sur le sol.

Voir les conséquences de l’incendie de l’été 2022 à Sainte-Hélène et Saumos me fait toujours bizarre. Le paysage lunaire a une certaine beauté mais m’évoque l’absence de vie.

Au milieu de la petite ville de Lacanau, j’entends de la musique. Une passante me renseigne : “c’est le marché de Lacanau”. En tant qu’amateur de marchés, je me dis qu’il faut que j’aille voir cela. J’aperçois les stands installés sous une halle extérieure.

En arrivant sur place, une atmosphère de vacances parvient à moi. Pourtant, il me semble que les visiteurs sont pour la plupart des locaux.

Un endroit attire mon attention car il symbolise la convivialité des marchés : une terrasse où des groupes d’amis et des familles mangent des huîtres avec un verre de vin. Je pense tout de suite au marché des Capucins.

Je ne m’étais jamais arrêté à Lacanau-Ville. Depuis des années, c’est pour moi une simple étape pour me rendre à l’océan ou au lac. Cependant, on m’avait fait remarquer que la commune avait évolué et qu’il fallait apprendre à la découvrir pour l’apprécier. La visite de ce marché m’a donné envie d’y retourner et d’y rester plus longtemps.

Je remonte vers le nord, en direction de la petite ville de Carcans située non loin du lac de Carcans-Hourtin. La large piste cyclable me fait penser à une autoroute pour vélo. Sur cette portion, je remarque que je fais moins d’effort qu’au début de mon trajet car mes jambes se sont mises en route. De plus, je dois moins réfléchir pour faire mes mouvements. J’apprécie cet état qui est propice à la méditation, tout autant que le paysage constitué uniquement de la forêt de pins.

Je me sens bien lorsque je regarde au loin sans distinguer le bout de la piste et que j’admire le sommet des pins qui forment un océan vert. Entre les rangées des arbres, je remarque que le sol est couvert d’aiguilles de pins et de fougères marron. J’imagine des chevreuils, lapins et hérissons dans la forêt. La piste cyclable reliant Carcans à Hourtin est de meilleure qualité que celle de Bordeaux à Lacanau. Je suis stupéfait de ces conditions idéales pour découvrir l’endroit.

Piste cyclable entre Hourtin et Carcans-Maubuisson, en Gironde

4 heures après mon départ de Bordeaux, j’atteins la ville d’Hourtin, un lieu entouré de pins et de l’eau du lac, qui évoque pour moi les vacances d’été. En arrivant chez mes amis, je suis content de remarquer que mes jambes ne me font pas souffrir. Peut-être que la piste cyclable m’est devenue familière, et qu’elle ne me fatigue plus autant qu’auparavant.

Le couple d’amis vit ici depuis quelques années. Ce sont des amoureux du Médoc. Ils sont entourés par l’estuaire, surnommé « rivière » par les locaux, et l’océan. Ils vont pêcher à l’océan, tôt le matin et tard le soir, pour profiter du lever ou du coucher du soleil. Je me dis que ce cadre est idyllique et qu’ils ont bien choisi leur lieu de vie.

Le Médoc a aussi un goût particulier pour moi aussi car, il y a quelques années, j’allais travailler dans une petite propriété viticole appartenant à un membre de ma famille. Sur le chemin, la voiture traversait des kilomètres de vignoble. Sur place, le silence typique de la campagne n’était interrompu que par le gazouillis des oiseaux, le moteur d’une machine viticole entre les rangs de vigne ou le chant d’un coq. Et parfois, par les coups de feu d’un chasseur.

Vers 16 h, je reprends la piste cyclable dans le sens inverse à celle de ce matin pour rejoindre le camping, situé à Carcans-Plage, où je vais passer la nuit. Cette portion est déserte. Je me sens revigoré par le déjeuner, mais j’ai du mal à retrouver le rythme de pédalage qui m’avait plu. Je peine à coordonner mes mouvements.

En observant les pins, je remarque que ceux-ci ont des formes et des tailles différentes. J’aime cette diversité qui me rappelle la diversité des êtres humains. J’en vois un avec un tronc courbé. Il a l’air de faire un exercice d’étirement. Le tronc d’un autre se sépare en deux, et on dirait qu’il fait le v de la victoire avec ses doigts.

Lorsque j’atteins les bords paisibles du lac de Carcans-Hourtin, la couleur sombre de l’eau me rappelle le lac de Lacanau. Je me dirige vers l’océan avec excitation car il me tarde de voir le coucher de soleil. La piste cyclable qui y mène passe au milieu d’une forêt dense dont les pins ne s’alignent pas en rangs, comme c’est souvent le cas dans la région. La grande quantité de sable m’indique que la plage se rapproche.

Lorsque j’arrive à mon camping, à moins de 200 mètres de l’océan, je suis surpris de le voir si peu occupé. Seule une dizaine de vacanciers se trouvent là. Un sympathique réceptionniste me dit de m’installer où je veux.

Je veux monter ma tente sans perdre de temps pour ne pas manquer le coucher de soleil sur l’océan. L’ouverture de mon abri me pose des difficultés car il y a des années que je n’ai pas ouvert une tente. Il faut d’abord étaler le “plancher” à l’aide de piquets plantés dans le sol, puis poser les arcs et enfin fixer la toile qui protège des intempéries. Lorsque j’ai fini le montage, je place mes affaires à l’intérieur.

Le soleil est encore bien visible, mais décline. Je suis accueilli sur la plage par le bruit lourd et ininterrompu des vagues. Ce son me détend.

J’ai pris mon maillot de bain, mais, en trempant les pieds dans l’eau, je la trouve trop froide pour me baigner. Mes amis m’avaient prévenu : elle est à 12°. Je me promène au bord de l’eau en écoutant le bruit des vagues et en sentant l’odeur iodée. Ce cadre est une récompense idéale.

Le soleil orange disparaît peu à peu à l’horizon. J’aime assister à ce spectacle car l’assemblage des couleurs me fascine. Autour de ce point qui capte l’attention des quelques personnes encore présentes sur la plage, le ciel est à la fois rose et bleu. Finalement, l’obscurité tombe et la fraîcheur se fait sentir.

Alors que je suis allongé dans ma tente avant de m’endormir, j’entends le roulement des vagues. Ce son que j’aime renforce la sensation d’être immergé dans la nature sauvage, sans aucune interférence humaine.


Des découvertes historiques le long de la côte du Médoc

Je commence la journée en rangeant ma tente, une opération plus facile que son ouverture. Ensuite, je pars à la recherche d’un café ou d’un restaurant ouvert, sans succès. Tout est fermé en ce dimanche matin. Je dois me contenter d’eau et du gâteau offert par mes amis comme petit-déjeuner.

La piste cyclable remonte vers le nord à travers les pins. Je commence à sentir la fatigue de la journée d’hier. Au bord de la route sinueuse, je remarque d’immenses monticules de rondins de pins. En passant devant eux, je sens leur parfum, un mélange d’odeurs de bois et de résine de pin. J’entends le chant des oiseaux, que je ne vois pas. Tous mes sens sont en éveil dans la forêt.

Je dépasse plusieurs joggeurs dont le courage m’impressionne. En même temps, je me dis que courir au milieu de cette nature doit faire du bien. Depuis 3 ans, à cause d’une tendinite au genou, je ne cours plus, même si j’aimais ça. Peu après, j’ai recommencé à faire du vélo régulièrement. Je dis souvent que cela a changé mon mode de vie. En ville, ce moyen de transport me permet de faire du sport et me fait bénéficier d’une grande flexibilité dans mes déplacements. À Hambourg, une ville étendue, je parcourais souvent plus de 10 kilomètres dans la journée. La distance de mes trajets quotidiens a baissé depuis que je vis à Bordeaux, une « petite ville ». Ce qui me plaît dans les randonnées à vélo, c’est la liberté. Contrairement à la marche, rouler permet de parcourir des distances importantes et d’admirer des paysages variés.

J’atteins Montalivet au bout d’une piste large à l’asphalte impeccable. Dans la station balnéaire, je passe devant des campings qui me semblent luxueux.

Je remarque un monument sur la plage et me rapproche.

L’opération Frankton : un épisode peu connu de la Seconde Guerre Mondiale

« Voyageurs qui passez devant ce monument, arrêtez-vous quelques minutes, regardez l’océan vers le large et transportez-vous par la pensée à une date lointaine… »

Ce sont les premiers mots de la plaque informative. Cette introduction captive tout de suite mon attention.

Le 7 décembre 1942, un sous-marin dépose au large de Montalivet un commando de 12 soldats des Royal Marines britanniques. Par deux, dans des canoës-kayaks, ils pagaient jusqu’à la Pointe de Grave. Seuls 4 soldats réussissent à rejoindre l’estuaire de la Gironde, les autres ayant été capturés ou disparus. Après avoir pagayé pendant plusieurs nuits, ils entrent dans le port de Bordeaux pour y accomplir leur objectif : poser des mines sur des navires forceurs de blocus allemands. Leurs charges explosent quelques heures après.

Le drame de l’opération Frankton est que seuls deux soldats ont réussi à rejoindre la Grande-Bretagne, les deux membres restants du commando ayant été arrêtés et fusillés.

Bien que j’aie lu des livres et vu des films sur la guerre, je suis fasciné par cette histoire qui me semble presque irréelle tellement elle comporte de rebondissements.

Monument commémorant l'opération Frankton à Vendays-Montalivet

Lorsque j’arrive sur la plage de l’océan, à Soulac, je remarque le phare de Cordouan, le plus vieux phare de France encore habité. Celui-ci me paraît proche car il est bien visible. Est-ce bien Cordouan ? Oui, cela ne peut être que lui.

En arpentant les rues de la ville, j’admire les villas soulacaises. Sur ces maisons imposantes, souvent de briques de couleur rouge et blanc, des poutres en bois apparaissent. Les villas évoquent pour moi les vacances et la Belle Époque, mais aussi l’opulence. J’imagine que leur construction date du début du XXe siècle.

Villa soulacaise à Soulac-sur-Mer en Gironde

Soudain, j’entends de la musique. En suivant le son, je me retrouve sur une place où un marché a lieu. Au fond, je remarque un groupe jouant sur une estrade, ce qui me rappelle le marché de Lacanau. Je m’assois pour boire un thé et profite de l’ambiance détendue et festive.

Je suis presque arrivé tout au fond du Médoc, à la pointe de Grave, où je vais traverser la Gironde en bac, le nom local du ferry. La partie de la piste qui mène à l’embarcadère me plaît car elle suit des virages. Cela me change des lignes droites d’hier.

Lorsque j’arrive à l’embarcadère du bac qui va me mener à Royan, de l’autre côté de l’estuaire, je vois des piétons, cyclistes et automobilistes attendre l’ouverture des grilles. 

Je m’assois sur le pont pour admirer l’environnement. J’ai toujours aimé faire cette traversée. L’ambiance à bord est détendue et on a une belle vue sur Royan et sur la Gironde. J’apprécie de pouvoir me déplacer sans pédaler car je commence à ressentir la fatigue due aux efforts des deux premiers jours. Cependant, je ne ressens que peu de douleurs dans les jambes.

20 minutes plus tard, j’arrive à Royan, où je vais passer la nuit, dans un appartement. J’apprécie de pouvoir dormir dans un vrai lit, mais, cette fois-ci, je n’entends plus le bruit enchanteur de l’océan.

Vue sur la rive droite de la Gironde depuis le bac entre Le Verdon et Royan


Un parcours du combattant sur la rive droite de la Gironde

Je traverse la plage de la Grande Conche de Royanet aperçois de l’autre côté la côte du Médoc, où j’étais hier. Je connais le début du trajet qui doit me mener à Blaye.

Sous un ciel nuageux, je descends vers le sud. La route est proche du bord de la « rivière ». J’admire des carrelets, de majestueux filets de pêche typiques de l’Estuaire et de la Charente-Maritime. Bizarrement, je n’ai jamais vu personne sur les passerelles qui mènent aux filets, comme si elles étaient abandonnées. Je me dis que, si je possédais un carrelet, j’y ferais des barbecues au coucher du soleil.

Filets de pêche carrelets au bord de l'estuaire de la Gironde

J’atteins Talmont-sur-Gironde, situé sur la rive droite de l’estuaire et célèbre pour son abbaye posée sur la falaise. Depuis ce point de vue, j’aperçois Royan, déjà loin. Le village me plaît car il est au bord de l’eau. En me promenant dans les ruelles pavées pittoresques, j’admire les petites maisons aux volets colorés typiques de la Charente-Maritime. En ce week-end de Pâques, les visiteurs de ce site touristique sont nombreux.

Je roule en direction du village de Mortagne-sur-Gironde, que j’ai visité il y a de nombreuses années. En pensant à la longue route qui m’attend, j’accélère pour arriver chez moi avant la fin de la journée.

Sur un panneau, je remarque l’inscription « Canal des 2 mers ». Je me demande quelles mers ce tracé relie. En faisant une recherche rapide, j’apprends qu’il s’agit de l’Océan Atlantique et de la Mer Méditerranée, reliés par le canal du midi.

J’arrive à Mortagne après avoir parcouru une portion difficile au milieu de champs sur des terrains vallonnés. La brise marine que je respire, dans ce petit port de plaisance et de pêche, me récompense. Le vent atteint mes cheveux, mon visage et mon corps pendant que je mange un sandwich dans un café. Assis sur ma chaise, je regarde les horaires des prochains bacs qui traversent l’estuaire à Blaye pour rejoindre le Médoc. Je vise celui de 17h. En route.

J’ai du mal à suivre le tracé passant le plus proche de l’Estuaire. J’atteins un village où je tourne à un croisement, guidé par mon plan.

Je rejoins un couple de cyclistes roulant sur des VTT. Ce qui me plaît aussi dans les trajets en itinérance, c’est de rencontrer d’autres cyclistes.

– « Vous êtes du coin ?

– Je viens de Paris, mais je travaille souvent à distance depuis ici, me dit-il.

– Vous faites une sortie à la journée ?

– Oui, c’est ça. Les routes sont calmes ici. Il m’arrive de rouler toute une journée sans croiser une voiture. »

À l’entendre, je me dis que la Charente-Maritime doit être l’un des départements les moins densément peuplés de France.

Je remarque que je n’ai plus vu l’eau foncée de l’estuaire depuis longtemps. En regardant Google Maps, je me rends compte que je m’éloigne de mon but.

J’ai perdu du temps et n’ai pas été assez attentif à la route. Je dis au revoir aux cyclistes et change de direction, les yeux rivés sur mon smartphone.

Le tracé suggéré pour me rendre à Blaye me fait passer par des chemins de terre qui me font penser aux Strade Bianche, en Toscane. J’aimerais un jour faire une randonnée à vélo sur ces magnifiques routes blanches bordées de cyprès.

Je vois une montée raide passant à travers champs. Au milieu de celle-ci, mes cuisses n’arrivent plus à faire avancer mon vélo. Je dois mettre pied à terre. Mes épaules, mon ventre et mes jambes se font sentir. C’est lorsque j’arrête mes efforts et que je descends du vélo que je remarque la fatigue.

Puis je descends à toute allure le chemin sur mon vélo tout en sentant qu’il souffre de rouler sur des gros cailloux.

Sans l’avoir vu venir, je rentre dans une zone de marais. L’endroit est sauvage : peu de voitures, aucun village. Autour de moi, je ne vois que des champs plats recouverts d’une herbe verte et épaisse. Des canaux étroits découpent les champs. Comme les forêts de pins du Médoc, à la végétation différente, cette zone me met dans un état méditatif. Mes jambes poussent sans que j’ai à réfléchir.

J’avance en zigzag.

Soudain, je vois un échassier blanc s’envoler près de moi. Il doit trouver dans les marais des mets de choix.

Je sens un obstacle apparaître : le vent. Cette force souffle depuis l’estuaire en direction des terres. Lorsque la route longe l’estuaire, le vent me dérange peu. Cependant, lorsque je pédale vers la « rivière », je m’épuise. Je dois faire des efforts immenses pour avancer, ce qui m’énerve. Rouler face au vent pendant plus deux heures est une sensation désagréable pour le corps et l’esprit.

Je prends un virage. Je roule maintenant avec l’estuaire, et donc le vent, dans le dos. J’ai la sensation que mon vélo vole.

Champs à proximité de l'estuaire de la Gironde près de Blaye

Il est 17 h. Le dernier bac de la journée partant de Blaye est à 18 h. Une course contre la montre commence.

Pour garder la cadence soutenue, je m’encourage en criant à chaque impulsion de mes cuisses, comme un métronome. Il faut que je donne le maximum pour prendre le bateau.

Je vois la centrale nucléaire du Blayais, vers laquelle convergent des lignes à haute tension soutenues par d’immenses structures métalliques. Blaye ne doit pas être loin, mais j’ai la sensation que la distance qui me sépare de la ville ne se réduit pas assez vite.

9 kilomètres jusqu’à mon but. Je dois faire ce trajet couvert de transpiration sous mon legging et mon tee-shirt.

Une longue ligne droite traverse un village. Je me force à me concentrer sur mon pédalage et à garder le rythme au lieu de penser à mon objectif.

Je remarque un obstacle que Google Maps n’avait pas prévu. Des travaux. Je dois m’arrêter au milieu du chemin de terre. Je remarque un passage étroit entre la grille qui bloque l’accès et les arbustes. J’arrive à m’y glisser en portant mon vélo à la main.

Je vois avec soulagement la citadelle de Blaye. Devant les fortifications, à nouveau, une grille me stoppe sur le chemin qui longe l’estuaire. Je porte mon vélo et me faufile sur les rochers au bord de l’eau.

J’arrive à l’embarcadère aux alentours de 18 h. Je ne vois pas de bateau accosté. Cependant, je remarque des gens qui attendent : j’ai réussi à arriver à l’heure ! J’apprends alors qu’en ce lundi de Pâques, le départ est exceptionnellement à 18 h 30 et non à 18 h. J’ai un peu de temps devant moi.

Une jeune femme se tient à côté d’un vélo portant des bagages, ce qui me laisse penser qu’elle fait une randonnée de plusieurs jours. Je décide d’en savoir plus.

– « Vous faites un long trajet ?

– Juste pour le week-end, je suis partie de Bordeaux et je rentre aujourd’hui. Et toi ?

– Je fais le tour de la Gironde à vélo. Je suis allé à Hourtin et ensuite, j’ai remonté la côte jusqu’à la Pointe de Grave. Ce matin, j’étais à Royan.

– On s’est suivis ! Moi aussi j’ai fait ce trajet. Je suis épuisée ! L’après-midi face au vent a été dur. Je pense que je vais finir en train.

Je suis content de savoir que je ne suis pas le seul à avoir eu du mal à pédaler. La discussion confirme que les conditions étaient difficiles.

– “Je me demande aussi si je vais terminer en train. De l’autre côté de la Gironde, il reste 40 kilomètres jusqu’à Bordeaux… C’est beaucoup ! Tu as dormi dans une tente ?

– Non, j’ai un hamac. J’ai dormi au bord du lac d’Hourtin vendredi et près de Royan dimanche. »

Nous montons dans le bac. Pendant la traversée d’une quinzaine de minutes, je décide que je vais prendre le train dans le Médoc jusqu’à Bordeaux. Je ne me vois pas continuer à rouler deux heures vu mon état de fatigue.

La discussion avec la cycliste m’a plu. Les rencontres et les échanges qu’offrent les randonnées, que ce soit à vélo ou à pied, me donnent envie d’en faire plus souvent. Peut-être la croiserai-je à nouveau sur une piste cyclable autour de Bordeaux.

Les vignes de châteaux réputés du Médoc m’accueillent de l’autre côté de l’estuaire. J’atteins la gare de Margaux alors que la pluie commence à tomber.

Dans le train me ramenant à Bordeaux, je me dis que l’itinéraire de Royan à Blaye a été bien plus difficile que ce que j’avais imaginé. J’ai préféré les deux premières journées, mais, aujourd’hui, je ressens la satisfaction d’avoir atteint le bac à l’heure après un parcours semé d’embûches.


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3 commentaires

  1. Bonjour Pierre,
    Merci pour ton compte rendu de ce tour à vélo et pour les belles photos et les magnifiques couchers de soleil.
    L’absence d’une vraie piste cyclable entre Royan et Blaye, les conditions météo moins bonnes (vent) et la fatigue accumulée les jours précédents explique que tu aies préféré le côté girondin et moins apprécié les paysages charentais ( falaises calcaires, vignobles et vallons ) bien différents du Médoc, plat et sauvage. En tout cas, ton récit vivant et concret donne des envies de grand air et montre que l’on peut passer de bons moments tout près de chez soi dans cette belle nature.
    Merci encore de partager tes expériences et à bientôt pour d’autres aventures

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