
Lorsque je me promène sur les quais de Bordeaux, je me demande souvent à quoi ressemblaient les lieux il y a 300 ans. Ainsi, lorsque j’ai appris l’existence du Musée de l’Histoire Maritime de Bordeaux, j’ai eu envie de le visiter.
Je suis allé dans ce musée situé dans une petite rue du quartier des Chartrons en espérant y apprendre des histoires surprenantes de l’histoire bordelaise. Par ailleurs, m’y rendre est une façon de comprendre la ville où j’ai grandi. L’intérêt pour l’histoire me guide.
Le port à travers les personnages qui l’ont marqué
Lorsque je rentre dans le musée exigu qui tient dans une pièce toute en profondeur, je vois les larges affiches placées à l’entrée. Elles présentent les lieux et me plongent dans le sujet. J’apprends que le musée privé rassemble des collections appartenant à des familles bordelaises. Il vise à partager le passé maritime, portuaire et fluvial du Port de la Lune pour mieux comprendre et appréhender le présent. De plus, le texte annonce que les propriétaires ont mis en avant les personnages qui ont joué un rôle de premier rang dans le développement du port de Bordeaux.
Dans toute la salle, je ne vois que deux visiteurs qui sont en train de partir. Une jeune femme assise derrière un bureau assure l’accueil. Elle me retrace avec le sourire l’histoire du musée, fondé par des passionnés. Je suis admiratif et je ressens de la reconnaissance envers ces gens qui transmettent l’histoire de leur ville. Ensuite, elle me suggère de faire une flânerie historique le long des quais de Bordeaux à l’aide d’un contenu en ligne proposé par le musée. Je garde cette idée pour plus tard. Enfin, elle me conseille de lire tous les textes détaillés que je vais voir. J’en déduis que ce n’est pas un musée où flâner pour admirer des illustrations.
Je n’entends pas d’autre son que le bruit de mes pas lents. J’avance en admirant les murs de pierre blonde si répandue à Bordeaux. Je la trouve réconfortante et chaleureuse.
Mon attention se porte sur une grande carte de la ville pendant la période gallo-romaine. Des feux au bord du fleuve, sur l’actuelle place des Quinconces, me sautent aux yeux. Sans doute les phares de l’époque. Je distingue un temple ainsi qu’un amphithéâtre qui doit être le palais Gallien, encore visible aujourd’hui. J’apprends que peu d’informations existent sur le Bordeaux sous domination romaine. Une seule certitude : le temple existait.
J’avance, entouré de vitrines qui renferment une multitude de petits objets anciens et d’affiches remplies de texte. Sur l’une d’elles, un portrait d’Aliénor d’Aquitaine attire mon attention. Je m’approche pour lire le texte qui accompagne le visage de l’ancienne reine de France.
Aliénor d’Aquitaine à l’origine du premier code maritime mondial
Elle fit rédiger à la fin du XIIe siècle les Rôles d’Oléron, un recueil de droit maritime qui fit jurisprudence. Celui-ci porte le nom d’une île située au large des côtes charentaises, non loin de Bordeaux. Il fut appliqué sur une large partie de la façade Atlantique. C’est le premier code maritime mondial, ce qui me laisse imaginer l’importante activité commerciale de la région à l’époque, mais aussi le pouvoir qu’avait Aliénor d’Aquitaine.
Puis, je fais un saut de quatre siècles dans le temps devant un texte sur la construction du phare de Cordouan.
Michel de Montaigne et le phare de Cordouan
Il y a quelques années, j’avais visité ce monument que l’on rejoint en bateau depuis Royan. Le sublime phare en vieille pierre blonde impressionne quand on sait qu’il a plus de 400 ans. C’est le plus vieux encore habité en France. J’apprends que le philosophe Michel de Montaigne, qui a été maire de Bordeaux au XVIe siècle, a validé sa construction.
Une maquette de gabarre attire mon attention. Ce bateau à fond plat servait à transporter les marchandises, sur la Garonne notamment.
J’arrive dans un espace moins dense mais où se trouvent de nombreux kakémonos. Je me plonge dans le contenu en commençant par lire un texte qui explique que les Hollandais, au XVIIe siècle, dominaient le commerce maritime de la ville, en particulier du vin. Puis, je vois une affiche dédiée aux corsaires.
Des « pirates au service du roi de France »
À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV relance la guerre navale de course. Il s’agit d’attaquer les navires de commerce des nations ennemies. Il s’appuie pour cela sur des corsaires, originaires notamment de Bordeaux. En 120 ans, il y a eu environ 1 000 corsaires girondins. Les noms des plus célèbres d’entre eux se trouvent devant mes yeux.
Je vois devant moi un grand nombre de kakémonos qui attendent d’être lus. J’accélère et passe devant ceux qui m’intéressent moins, avant d’atteindre la partie consacrée à l’âge d’or de la ville, le XVIIIe siècle. Je remarque une carte portant des flèches de couleur qui illustre le commerce triangulaire.
Bordeaux port négrier
Du XVIIe au XIXe siècle, le commerce avec les colonies, notamment les Antilles, fait de Bordeaux le 1er port de France. À partir de 1740, la ville intensifie sa participation au commerce triangulaire. La traite négrière à Bordeaux représente, entre 1672 et 1837, 480 expéditions recensées. Elle ne concernait qu’une petite partie – environ 5 % – de l’activité portuaire. Cependant, le port a indirectement tiré sa richesse de l’esclavage, à travers le commerce des denrées coloniales, produits souvent par des esclaves.
Soudain, je remarque le portrait d’un homme à la perruque blanche poudrée. Il s’agit de La Fayette, un marquis parti deux fois, d’abord de Blaye puis de Bordeaux, pour combattre aux côtés des colonies lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis.
Ensuite, je reconnais les traits fins du visage de Montesquieu. J’ai lu un livre d’Alain Juppé sur sa vie, illustré par le même portrait. Je me rappelle que le philosophe des Lumières a défendu l’abolition de l’esclavage.
J’avance en me demandant vers quel contenu me diriger. C’est alors que plusieurs portraits de petite taille de membres d’une même famille attirent mon attention. Sur le texte qui les accompagne, un mot m’évoque l’histoire et l’exotisme : Cochinchine.
Denis frères : des Bordelais à Saïgon
Avec intérêt, je me plonge dans le texte. Au milieu du XIXe siècle, Étienne Denis, un marin originaire de la région bordelaise, parcourt les mers du globe. Il devient par la suite armateur et crée des comptoirs de commerce au Brésil et au Pérou. En 1859, la colonisation française de la Cochinchine, une région correspondant au sud de l’actuel Vietnam, commence. Étienne Denis fait alors construire un navire à voiles, La Mouette, qui appareille en 1862 de Bordeaux avec à son bord deux de ses quatre fils. L’objectif est de créer dans la nouvelle colonie française une activité de commerce des denrées coloniales. Ils rejoignent Saïgon, l’actuel Hô Chi Minh-Ville, où ils fondent la maison Denis Frères, un bureau de négoce pour organiser l’importation et l’exportation de marchandises entre la Cochinchine et l’Europe. En 1882, les frères Denis font bâtir une rizerie à Saïgon pour entreposer le riz.
En levant les yeux, je vois une photo datée du milieu du XIXe siècle de La Mouette dans le port de Saïgon. Elle doit faire partie des toutes premières photos prises dans la ville. Juste en-dessous se trouve un dessin représentant le siège de l’entreprise. En admirant l’élégant édifice de style colonial qui se dresse derrière une rangée d’arbres, je pense à la French Concession de Shanghai. Ce quartier était sous administration française dans la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle.

À côté, je vois le nom « Balguerie-Stuttenberg » – une célèbre rue de Bordeaux. Je m’approche vers le long texte présentant le personnage. Pierre Balguerie était un riche négociant, armateur et banquier bordelais qui a épousé la fille d’un négociant de Hambourg installé à Bordeaux. Voilà d’où vient le nom à connaissance germanique« Stuttenberg » ! Il avait accolé donc le nom de sa femme au sien. Sans doute une pratique très progressiste à l’époque.
Plus loin se trouve une vitrine dans laquelle se trouvent de nombreux instruments de navigation maritime. Je vois notamment un sextant de couleur dorée. Je pense tout de suite à la biographie de Magellan de Stefan Zweig. Lorsqu’il est parti pour son expédition, le navigateur portugais ne savait pas où se trouvait le détroit qui porte son nom. Avant d’y arriver, il a dû tâtonner dans des endroits où aucun Occidental n’était jamais allé. Par ailleurs, il ne se dirigeait pas avec un GPS mais avec des petits instruments similaires à ceux qui se trouvent sous mes yeux.
Les chiffres et faits sur l’activité portuaire pendant l’âge d’or du Port de la Lune s’enchaînent. Un en particulier m’impressionne : c’était le 2ème port de commerce de fret au monde, après Londres, au XVIIIe siècle. Plusieurs tableaux de l’époque représentent de nombreux navires ancrés dans le port de la Lune, en face des cafés, des bars et des magasins d’aujourd’hui. Les quais devaient fourmiller de marins, dockers et négociants. De petites embarcations y déchargeaient des marchandises provenant des navires.
Toujours aucun autre visiteur en vue dans le musée. Après avoir tourné au fond de la salle, je remarque, accrochées au mur, des photos de bateaux à vapeur. En m’approchant, je constate que leur coque est en métal. Elles illustrent l’évolution qu’a connue la construction navale au XIXe siècle.

Un homme a joué un rôle central dans cette industrie à Bordeaux : Lucien Arman. Un texte sur le constructeur naval m’apprend qu’il a vendu des navires de guerre à plusieurs pays étrangers. À nouveau, je me dis que la prospérité de la ville s’est fondée sur des entrepreneurs ambitieux. Une autre pensée me vient à l’esprit : les chantiers navals bordelais ont disparu depuis.
Puis, je remarque une photo fascinante qui doit dater des années 1950. Des navires marchands font face à des grues navales au milieu du port de Bordeaux. Ce décor correspond à l’idée que je me faisais des quais avant leur transformation, au début des années 2000. Cependant, je ne pensais pas que des bateaux aussi imposants se trouvaient en face des élégantes façades du XVIIIe siècle.
Soudain, je distingue la porte d’entrée en face de moi. Une vitrine se trouve à ma droite et des affiches à ma gauche. J’avance jusqu’à une présentation de l’activité de pêche à la morue. Pendant plusieurs décennies et jusque dans les années 1950, Bordeaux était le premier port morutier de France. Le poisson pêché notamment au large de Terre-Neuve, au Canada, arrivait dans le quartier de Bacalan. On le séchait ensuite, notamment à Bègles.
Je suis à nouveau à l’entrée, informé mais pas épuisé. J’ai passé deux heures dans un musée qui respire la passion de ses fondateurs.
Il fait encore jour et le soleil brille. De bonnes conditions pour faire la balade historique sur les quais que m’a conseillée la personne à l’accueil.
Les traces du passé maritime de Bordeaux

Après être sorti, je cherche sur la carte du site Internet dédié à la flânerie la première étape du parcours. Elle se trouve loin de là où je suis. Je décide donc de faire la balade en sens inverse, en commençant par les Bassins à flot.
Ainsi, je remonte à vélo et m’engouffre dans une grande rue qui traverse les Chartrons. Là, j’aperçois les bâtiments modernes au bord des Bassins à flot. Je suis surpris que ce site figure sur la liste des lieux symboliques de l’histoire maritime et portuaire de Bordeaux car il m’évoque la modernité. C’est normal : il connaît depuis plus de 10 ans une profonde transformation. Même si, dans mon esprit, les monuments qui datent du XVIIe, du XVIIIe ou du XIXe siècle sont les plus intéressants, je suis curieux de connaître l’histoire des Bassins.
Je m’arrête au bord d’un bassin et sors mon smartphone. L’eau scintille sous le soleil. Suite à la construction du pont de pierre, achevée en 1821, les bateaux ne peuvent pas avancer loin dans le port. Par conséquent, l’activité portuaire se déplace plus en aval du fleuve, aux Bassins à flot, qui voient le jour dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Ils accueillent alors les bateaux qui y déchargent leurs marchandises. Les grues et rails que je vois autour des Bassins me rappellent ce passé. Malheureusement, le dynamisme de la zone ne dure pas : dès le début des années 1930, le déclin de l’activité industrielle et portuaire du quartier commence.
Je scrute leurs contours bien dessinés et imagine les efforts nécessaires pour les creuser avec les moyens de l’époque. Les bateaux amarrés aujourd’hui sont des voiliers de plaisance et des navires accueillant des restaurants ou des boîtes de nuit.
Ce quartier n’a pas le charme ancien des quais du centre de Bordeaux, mais j’aime m’y balader. D’abord parce qu’il est à l’écart du tumulte de la ville, et ensuite car j’aime le calme de l’eau. Par ailleurs, l’apparence de certains bâtiments récents et l’atmosphère de renouveau me plaisent.

J’admire aussi la base sous-marine, derrière les bassins. L’apparence de cette énorme structure grise n’a presque pas changé depuis sa construction pendant la deuxième guerre mondiale. Puis, je regarde l’heure et décide de repartir dans l’autre sens. Ma prochaine étape, le Hangar 14, m’attend.
Je rejoins donc les quais, où je roule à vitesse réduite au bord d’une rambarde en bois. Le fleuve illuminé par le soleil a des reflets argentés, comme une patinoire qui mène à une destination inconnue. Il prend, au loin, son virage majestueux. Je vois les grands arbres du parc aux Angéliques qui cachent la vue sur la rive droite. Leur épais feuillage vert apporte une touche de verdure trop rare dans la ville minérale. Après m’être faufilé entre les piétons qui se baladent le long des quais, j’aperçois le Hangar 14. Ce quadrilatère couché de couleur blanc cassé est élégant.
Il a remplacé l’ancienne halle de la compagnie Delmas-Vieljeux. J’apprends qu’elle accueillait les voyageurs avant qu’ils n’embarquent sur les paquebots intercontinentaux. Sur la façade qui fait face à la Garonne, j’admire les fausses coupées – des escaliers métalliques délimités par du grillage – qui rappellent l’embarquement. Je m’imagine des voyageurs fortunés descendre des escaliers pendant les années 1930.

La flânerie le long des quais complète le musée. La visite que je viens de faire m’a donné de nombreux points de repère et du contexte. Ces éléments sont utiles pour comprendre les monuments autour de moi. Par ailleurs, contrairement à la visite, qui contient une grande quantité de textes, les descriptions des monuments sur le site Internet de la flânerie sont concises. C’est agréable.
Tout en regardant mon smartphone, je m’engage sur ma droite dans une grande artère, le cours de la Martinique. Celui-ci fait partie du programme d’urbanisation de Haussmann, préfet de la Gironde dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Là, j’observe la longue façade d’un bâtiment mystérieux, lié au commerce du rhum, qui a contribué au développement de l’activité du port de Bordeaux, où on importait la canne à sucre. La ville a même compté plusieurs fabriques de rhum jusque dans les années 1950. Le bâtiment devant moi devait être l’une d’elles.
Puis, de nouveau sur les quais, j’admire les façades anciennes qui se dressent à ma droite. Bien que je sois habitué à leur présence, j’aime prendre le temps de les regarder. Tout le long des quais, les immeubles élégants forment une unité architecturale superbe. Pas étonnant qu’ils fassent partie de la zone inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Je me trouve maintenant sur un large trottoir. Comme tous les dimanches, de nombreuses personnes s’y promènent. Je fais attention de les éviter en recherchant deux maisons, dites hollandaises, présentées sur le site Internet. Est-ce que je les ai déjà remarquées avant ?
Elles apparaissent, collées l’une à l’autre et entourées de part et d’autre par deux rues qui s’enfoncent dans les Chartrons. Non, je n’y avais jamais fait attention. Pourtant, leur style architectural, qu’on peut trouver à Amsterdam, se distingue. Les édifices ont un fronton triangulaire, là où celui des façades bordelaises est droit et horizontal. En les regardant, je pense à l’austérité protestante et m’imagine de riches négociants hollandais vêtus de noir et coiffés d’un chapeau.
Je ressens l’air froid sur mes mains après avoir enlevé mes gants pour parcourir les explications du guide. Je ne vois pas de poulie sur le pignon, comme c’est souvent le cas à Amsterdam, ce qui me déçoit. Les deux maisons datent du XVIIe siècle, une période pendant laquelle des négociants étrangers – hollandais, anglais et allemands notamment – vivaient dans le « faubourg des Chartrons ». Ce sont les deux seules maisons hollandaises restantes dans la ville. Cette époque pendant laquelle Bordeaux était un des premiers ports européens me semble loin. Il n’y a qu’à voir l’absence de grue et de navires marchands, remplacés par les restaurants branchés et les paquebots de croisière. J’apprends aussi que Colbert, pour mettre un terme à la domination hollandaise, instaura des mesures protectionnistes en faveur des négociants et armateurs bordelais.

Après cette découverte historique, je me remets en selle, la carte sous les yeux. Ma prochaine étape est l’entrepôt Lainé. Cette masse foncée et rectangulaire se distingue des bâtiments de pierre blonde du XVIIIe siècle. Il me rappelle une prison ancienne. Comme un rappel de ce que j’avais appris au musée, le guide explique que Bordeaux était le premier port au monde pour le commerce du cacao, du XVIIe au XXe siècle. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la Speicherstadt. Ce quartier, dont le nom signifie « la ville des entrepôts », est un de mes préférés à Hambourg car il évoque l’activité portuaire intense des siècles passés. Par ailleurs, j’aimais me balader au milieu des canaux et des bâtiments de brique de couleur foncée. Aujourd’hui, on y trouve des bureaux, des restaurants ou encore des importateurs de tapis. Je me dis que, là où Hambourg est encore aujourd’hui un des premiers ports européens, Bordeaux a vu son activité portuaire décliner. Elle se résume à quelques installations situées à différents endroits plus en aval du fleuve. Quand j’y pense, je n’ai jamais vu de porte-conteneurs dans l’estuaire de la Gironde.
Un flot de voitures avance lentement au rythme des feux de signalisation. L’espace qui leur est dédié sur les quais s’est réduit au fil des décennies : alors qu’il y a 30 ans, les véhicules occupaient une large partie des quais, maintenant ils progressent entourés de passants, de cyclistes, de familles prenant des photos sur le miroir d’eau ou encore de joggeurs. Les bâtiments du XVIIIe siècle surveillent cette animation.
Soudain, je vois la bourse maritime. Ce bâtiment magnifique ressemble au palais de la bourse, situé non loin de là. Je me demande à quoi sert cette institution. En lisant le guide, j’apprends qu’il a été construit de 1921 à 1925 à la demande de chambre de commerce pour y loger des bureaux. L’édifice abrite encore aujourd’hui le siège d’institutions portuaires. Cependant, je n’arrive pas à en savoir plus sur la fonction de la bourse maritime.
Je roule ensuite devant la place des Quinconces, puis celle de la Bourse. Je ne m’arrête pas. D’une part car je connais leur histoire et d’autre part parce que j’y passe souvent. Puis j’arrive devant la majestueuse Porte de Bourgogne. L’ambiance est plus animée qu’au début de mon parcours. J’entends le bruit des voitures qui passent des deux côtés de la porte ainsi que les discussions des personnes assises aux terrasses des cafés. Malgré le froid, je me saisis de mon smartphone pour en savoir plus sur le monument. J’apprends ainsi qu’il marquait l’entrée de la ville et était à l’origine la Porte médiévale des Salinières. Plus tard, on la renomma Porte Napoléon, pour commémorer la venue de l’empereur en 1808. Les pêcheurs, en particulier les morutiers, y débarquaient leur cargaison. Soudain, je me rappelle les explications du musée sur l’activité bordelaise de pêche à la morue. J’imagine les énormes quantités de poisson étalées dans le sel. Autour, il devait y régner une animation encore plus intense que maintenant, rythmée par les va-et-vient des pêcheurs amenant la marchandise et les échanges entre acheteurs et vendeurs. Je comprends maintenant d’où vient le nom d’origine de la porte : Salinières.
Même si je porte des chaussures chaudes, le froid se fait sentir dans mes pieds. J’accélère jusqu’à arriver à la Porte de la Monnaie. Plus étroite que la Porte de Bourgogne, elle marque le début d’une rue qui s’enfonce dans le quartier Saint-Michel. Son nom rappelle que l’on battait monnaie à Bordeaux entre le VIIe siècle et le XIXe siècle. Je me demande quelle était la technique et le métal utilisés il y a plusieurs centaines d’années : de l’or, du cuivre ou du bronze ? En tout cas, les pièces devaient porter le visage du roi de France. Le guide m’apprend que les jurats de Bordeaux, qui formaient une institution municipale chargée d’élire le maire, sont à l’origine de la construction de la porte.
Je passe ensuite devant le conservatoire, sur le quai Sainte-Croix. Je m’arrête pour parcourir le site Internet car je connais peu cette partie de la ville. Le quartier fourmillait autrefois d’activités portuaires. Notamment, une quinzaine de raffineries de sucre se trouvaient à Saint-Michel et à Sainte-Croix au XVIIIe siècle. Bordeaux était alors le premier port sucrier d’Europe du Nord. Je mesure encore une fois l’importance de la prospérité passée. Cela m’attriste qu’on importe ici si peu de marchandises aujourd’hui, car il devait régner à l’époque une atmosphère internationale et une ambiance d’ouverture sur le monde. D’un autre côté, si Bordeaux était toujours aujourd’hui un port européen de premier plan, la ville ne serait sûrement pas aussi belle et agréable à vivre.
Ensuite, j’atteins le quai de Paludate. Situé proche de la gare, il n’a pas le charme des autres portions du parcours. Je ne m’attends pas à y trouver quelque chose d’intéressant. Pourtant, je découvre un magnifique et imposant bâtiment au style différent de celui de la plupart des édifices des quais. Il compte plusieurs tours, dont deux plus grandes sur chaque côté. Devant son imposante porte, je lis le guide. Le château Descas appartenait à un riche négociant en vin qui l’a construit en 1850 pour abriter un immense chai. Fermé pendant plus de 16 ans, il a rouvert, il a quelques semaines, en tant que salle de spectacles.
La dernière étape terminée, je remonte sur mon vélo pour rentrer au chaud, chez moi.
Un conseil : visitez le musée et faites la balade le long des quais en deux jours, pour ne pas vous surcharger.
Musée de l’Histoire Maritime de Bordeaux – 31 rue Borie, 33300 Bordeaux
Ouvert tous les jours de 10h à 12h puis de 14h à 18h
Y a-t-il un musée peu connu, à Bordeaux ou ailleurs, qui mérite d’après vous d’être visité ? Quels sont vos endroits historiques préférés sur et autour des quais de Bordeaux ?
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