Pourtant située à une grosse heure de TER de Bordeaux, où j’habite, la Dordogne m’était presque inconnue jusqu’à il y a peu de temps. C’est d’autant plus surprenant que le département offre de nombreuses possibilités d’activités qui me plaisent : visite de villes anciennes, excursions dans le Périgord Noir à vélo au milieu de paysages vallonnés et découverte de la gastronomie.
Si je n’avais pas pu m’y rendre avant, c’est notamment parce que je manque de temps. Plus précisément, mon planning m’empêche de faire un séjour pendant la semaine.
Comment découvrir plusieurs parties du département quand on ne peut pas poser une semaine de vacances ?
La réponse m’est venu d’un guide Lonely Planet. J’y ai trouvé un circuit en train et vélo à faire pendant un week-end. Suivez-moi dans mon aventure.
Longer la Dordogne à vélo
Je pars un samedi matin de Bordeaux pour rejoindre Bergerac, en train. Bien que fatigué, je ne dors pas sur le trajet, qui ne dure qu’une petite heure. Arrivé dans la capitale du Périgord Pourpre, je vais prendre un petit-déjeuner dans un café. J’observe les gens attablés autour de moi sur la terrasse. Des petits groupes d’amis échangent. Il y a surtout des hommes d’un certain âge. Certains lisent le journal Sud-Ouest. Je déguste mon croissant et un café en profitant de l’atmosphère conviviale.
Soudain, un homme attablé en face d’un ami se lève et vient vers moi.
– « De quelle marque est votre vélo ?
– Kalkhoff, une marque allemande. C’est la 1re fois que je m’en sers.
– Quelle distance faites-vous ?
– Je vais rouler aujourd’hui jusqu’au barrage de Tuilères, puis j’irai à Sarlat en train. Je parcourrai les environs. Demain, j’irai à Terrasson-Villedieu, où je prendrai le train pour rentrer à Bordeaux.
– Je vis à Bergerac et je fais souvent du vélo. J’ai un vélo de route et je parcours des longues distances. Par exemple, j’ai fait le Canal des 2 Mers à Vélo et la Vélodyssée avec ma femme ».
Il me montre aussi un vélo de ville attaché à côté de nous, qui a déjà bien vécu. Il s’en sert pour ses trajets de tous les jours.
Cette discussion me met de bonne humeur. De plus, je me dis que les habitants de Bergerac sont détendus, du fait de la proximité avec la nature et de la taille humaine de la ville.
Cette impression est renforcée lorsque je croise un peu plus loin un homme dans son jardin qui me propose de l’aide parce que je me semble perdu. Je retrouve mon chemin et j’atteins ensuite la Dordogne. Tout en longeant le fleuve, j’admire un pont majestueux qui l’enjambe.
Un département, quatre couleurs
Il est courant de désigner le département de la Dordogne par l’appellation historique, le Périgord. Les deux noms correspondent à la même zone géographie. Pour des raisons touristiques, on a divisé le territoire en quatre parties :
- Périgord Noir : la région historique du Périgord a pour capitale Sarlat. Elle doit son nom au grand nombre de chênes-lièges sombres.
- Périgord Blanc : c’est la partie centrale du département. Son nom vient du calcaire et de la pierre blanche, visible notamment à la cathédrale Saint-Front de Périgueux.
- Périgord Vert : ce nom fait référence à la végétation, notamment aux nombreuses forêts, comme dans le Parc Naturel Régional Périgord Limousin.
- Périgord Pourpre : cette partie du département correspond à la région de Bergerac, connue pour ses vins, ce qui explique son nom.
Quelle chance de pouvoir faire une sortie longue à vélo ! Cela m’avait manqué. D’une façon générale, faire du sport dans la nature est d’après moi un des meilleurs passe-temps. Cela permet de :
- Méditer : le mouvement répétitif du pédalage, dans un cadre naturel, me détend et élimine mes pensées parasites.
- Prendre du recul : je peux avoir des prises de conscience en pédalant sur de longues distances et même faire des choix de vie.
- Rentrer en communion avec la nature : par exemple, lorsque je fais du surf, je suis dans un élément naturel et j’admire des vagues puissantes. Il m’est même déjà arrivé de voir un poisson.
- Respirer de l’air pur : l’activité physique va de pair avec la respiration, puissante et profonde et, si possible, en conscience. Elle est encore plus appréciable lorsque je me trouve dans une forêt, un champ ou au bord d’une rivière.
Puis, je rejoins le quai où se trouve l’office de tourisme de Bergerac. Un panneau portant le symbole de la Véloroute Voie Verte V91, que je cherchais, me rassure. Je suis son tracé jusqu’à ce que je quitte la ville. Ensuite, j’atteins une piste cyclable goudronnée qui longe la Dordogne.
Les arbres des deux rives, notamment des saules pleureurs, forment une magnifique masse verte. Sur cette voie en hauteur, j’admire le cours d’eau qui brille sous le soleil. Il me rappelle la Charente car ces deux fleuves coulent tranquillement et sont bordés par une épaisse verdure. En posant mon regard au niveau de l’eau, je remarque le courant qui entraîne par endroit des morceaux de bois. Je me sens enfin immergé dans la nature. Cela valait la peine de se lever à 6h30 !
Mon vélo, un VTC (Vélo Tout Chemin), me plaît, car le passage des vitesses est fluide. De plus, il me donne une impression de puissance et de robustesse.
Soudain, je me rends compte que j’ai oublié mon couvre selle chez moi. Peu importe, la selle ne me fait pas mal. Puis, je réalise ensuite que je n’ai pas pris non plus mon maillot de bain et ma serviette. Si la température de l’eau des cours d’eau au bord desquels je m’arrêterai ce week-end est assez élevée et s’il fait chaud, je les regretterai.
Au moment où j’ai ces pensées, une barque immobile au milieu du fleuve apparaît. Dans celle-ci se trouve un homme assis, une canne à pêche à la main. Que la nature est proche de la ville ici ! Le pêcheur m’inspire la patience de l’homme avec la nature. Ce cadre est sublime, mais je ne pourrais pas faire cette activité qui n’est pas assez sportive.
La voie verte me plaît. Elle est goudronnée en continu et bien balisée. Elle monte puis redescend par endroits, toujours en suivant le cours d’eau. En ce milieu de matinée, la plupart des gens que je croise ne sont pas des cyclistes mais des promeneurs, souvent des couples d’un certain âge qui, j’imagine, sont du coin. Si c’est bien le cas, ils ont de la chance de pouvoir faire leur promenade près de chez eux, dans ce cadre qui mélange eau et verdure.
Petit à petit, j’entends un bruit sourd qui s’intensifie et qui m’annonce mon but : le barrage de Tuilières. Il m’impressionne par sa taille.
Je m’avance jusqu’à un canal près de cet ouvrage. Il est parcouru par une succession de portes écluses. J’admire cet enchaînement qui forme une belle symétrie. Ensuite, je m’approche du site et découvre que le barrage est géré par EDF. Il se visite gratuitement, mais je n’ai pas assez de temps et, dans tous les cas, cela ne m’intéresse pas.
Je préfère admirer les écluses dans le canal. Un panneau informatif au bord de celui-ci m’apprend qu’il a été creusé au milieu du XIXe siècle et rend hommage aux ouvriers – une centaine sont morts pendant sa construction. Il est dommage que le canal ne soit plus utilisé aujourd’hui, étant donné les efforts nécessaires à sa construction. J’imagine les bateaux, tirés par des chevaux, qui avançaient sur l’eau.
Sur cette voie de halage, je vois une forme carrée ou rectangulaire qui sort de la longue surface d’eau. Elle me fait penser à un parking à bateaux. Un autre panneau m’apprend le fonctionnement de cette cale sèche. Les bateaux qui avaient besoin d’une réparation se posaient tout seuls au fond de la cale, dans laquelle je remarque des poutres en bois, lorsque l’eau se vidait. Ce système ingénieux, qui n’utilise que la force de l’eau, me fascine.
Ensuite, je décide de remonter près de « l’ascenseur à poissons », le système d’écluses que j’ai vu en arrivant. J’avance sur la pente couverte d’herbe qui descend vers le fleuve. L’ouvrage m’évoque la patience, puisqu’un bateau avait besoin de plusieurs heures pour franchir les écluses qui s’étendent sur plusieurs dizaines de mètres. On est bien loin de la livraison rapide d’Amazon de notre époque. J’entends le bruit que fait l’eau en tombant à l’étage inférieur, dans le canal. Des vieilles briques et pierres forment les bords de l’ouvrage.
Un pont en pierre blonde marque la fin du canal. Je ressens de l’émotion lorsque je passe dessus, tout en admirant l’eau du fleuve qui s’écoule dessous.
De retour à Bergerac, à nouveau sous le soleil, je me rends à l’office de tourisme, situé sur les quais. Je veux faire un circuit à pied dans la ville pour voir ses attractions et lieux d’intérêt. Une employée me montre un QR code qui renvoie vers un site montrant un parcours dans le centre-ville qui passe devant les attractions principales. Parfait ! Mais avant, je vais manger. Après 10 minutes de recherche d’un restaurant dans les petites rues, je remarque la façade d’Aux Cèpes enchantés. Le lieu m’attire tout de suite par son nom et par sa terrasse ombragée. Alors qu’une pluie légère tombe, je m’installe à l’extérieur. Les mots « canard » et « cèpes » sont nombreux sur le menu. Je choisis un confit de canard aux cèpes, accompagné d’une sauce aux cèpes. Le tout servi avec un verre de vin rouge de Bergerac.
Après avoir terminé le repas copieux et délicieux, je m’engage sur le circuit, qui part du quai Cyrano et traverse le centre de la petite cité. Le guide m’apprend que la figure la plus célèbre de Bergerac est bien réelle, ce dont je n’étais pas sûr. Par ailleurs, il n’a jamais mis les pieds ici. Celui qui a inspiré le personnage du roman d’Edmond Rostand est originaire de Paris. Son père s’est installé dans la région parisienne, sur des terres baptisées du nom de Bergerac, en souvenir d’une bataille s’étant déroulé dans la ville au XIVe siècle. Je me dis que la ville met à profit ce lien pour attirer et fasciner les touristes.
Dans les ruelles, en voyant des édifices datant du Moyen Âge qui sont encore habités, je suis ébahi. Vivre dans une maison historique doit créer une impression solennelle. De plus, ceux qui habitent dans les petits appartements devant moi doivent se sentir dans un musée. Et comme d’habitude, un bâtiment construit de la main de l’homme il y a plusieurs siècles m’impressionne. Cela me rappelle les pierres vieilles de plus de 2 000 ans, en Israël.
Ensuite, je vais à la gare, direction Sarlat. La fatigue se fait sentir. Cela doit être le contrecoup de mon levé à 6h30.
Plongée dans le Périgord Noir à vélo
À la sortie du train, je rejoins la Voie Verte de Sarlat. Celle-ci suit le tracé d’une ancienne ligne de chemin de fer jusqu’au village de Cazoulès.
Sur la voie verte de Sarlat : « les plus beaux paysages du monde »
Sur la route goudronnée, j’admire les champs de blé dorés ainsi que des rangées d’arbres de forme singulière. Ce sont sûrement des noyers, car cet arbre est typique du Périgord. Ils sont de petite taille et comptent peu de branches. Celles-ci sortent du tronc à environ 1 mètre de hauteur pour former une masse verte.
La voie verte traverse deux villages situés à proximité du fleuve Dordogne : Calviac puis Rouffillac. Je ne m’y arrête pas. Au contraire, j’accélère sur environ 200 mètres en forçant sur mes cuisses. Je me concentre sur mes jambes tout en détendant le haut de mon corps. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Je vois sur la piste une ombre formée par un arbre. Ce sera ma ligne d’arrivée. Je donne toute mon énergie pour augmenter ma vitesse, avant de relâcher mes efforts lorsque j’atteins l’ombre. Cet exercice permet de muscler les cuisses et les mollets, ce qui aide à éviter les blessures.
Après une trentaine de minutes, je vois à ma gauche un petit bâtiment à un étage. Je m’arrête par curiosité et lis les inscriptions qui ornent la façade. C’est l’ancienne gare de Carlux. Elle accueille l’espace Robert Doisneau. Sa présence ici me surprend.
Des photos en noir et blanc représentent des personnes qui prennent la pose devant la gare. Ils semblent attendre un train. Sur une autre, je vois des jeunes gens dans des canoës qui lèvent les bras et sourient.
À l’intérieur, une employée sympathique me dit que le musée va bientôt fermer ses portes. Je prendrai le temps de le visiter demain. Pour le moment, il faut trouver un lieu pour dormir :
– « Savez-vous où je pourrais poser ma tente cette nuit dans les environs ?
– Non, je ne sais pas, mais vous trouverez un endroit. Restez près de la voie verte ».
En allant à mon vélo, je remarque une terrasse d’un café de l’autre côté de l’ancienne gare. Je pourrais prendre un petit-déjeuner ici demain matin.
Après avoir dépassé le village de Peyrillac, je commence à chercher un endroit pour dormir. Les champs qui longent la voie verte seraient idéaux s’ils n’étaient pas exposés à la vue des personnes qui pourraient passer là.
Un croisement, je tourne à droite puis rejoins un chemin de terre. La poussière apparaît. Tout en roulant, j’observe les environs. Les zones qui entourent le chemin sont couvertes d’une végétation trop dense pour pouvoir y poser une tente.
Soudain, la Dordogne apparaît. Aucune habitation n’est visible aux alentours. Au bout du chemin, je rejoins le fleuve. J’entends des pêcheurs, mais ne les vois pas. Je longe le fleuve pour trouver un endroit adapté. Celui-ci doit être à l’abri de regards et facile d’accès.
Je remarque un petit sentier qui mène à une plage minuscule qui donne sur l’eau. Un sublime pont ferroviaire en pierre se trouve à quelques mètres de là. Je m’installe à l’écart du chemin. Le fleuve tranquille et la végétation verdoyante forment un cadre sublime.
Je mange au bord du fleuve tout en admirant le coucher du soleil. En regardant sur Google Maps où je me trouve, je remarque que la frontière avec le département du Lot est proche.
Lorsque je me réveille le lendemain, j’entends le chant des oiseaux et le coassement des grenouilles. Ou est-ce qu’il s’agit de crapauds ?
De temps en temps, un bruit de plongeon parvient jusqu’à moi. Ce sont des poissons qui sautent hors de l’eau du fleuve. Cette symphonie m’émerveille et je me sens immergé dans un cocon naturel. Les sons intenses et divers me fascinent. Par ailleurs, je perçois des paroles qui semblent venir du fleuve. Ce sont sûrement des pêcheurs.
Puisqu’il est trop tôt pour me lever et que je me sens fatigué, je me rendors. Quand je me réveille à nouveau, il est 9h30. Un ciel gris m’accueille à la sortie de la tente.
Les minutes passées sur la voie verte jusqu’au café de la gare me paraissent longues, car je n’ai pas l’habitude de faire des efforts physiques sans avoir auparavant mangé mon petit-déjeuner. Lorsque j’arrive à la terrasse, je suis surpris de voir qu’elle est vide. Le lieu est pourtant bien aménagé, de sorte qu’il soit protégé de la vue et des sons des voitures qui passent sur la route derrière la gare. Par ailleurs, les environs, avec la Dordogne qui coule entourée de parois rocheuses majestueuses et couvertes d’arbres verdoyants, sont attrayants. La météo doit expliquer le manque de fréquentation de ce matin.
Dans la 1re pièce de « la Gare : Robert Doisneau », j’entends le son d’un film documentaire. Je vois le photographe sur des images en noir et blanc. Que sais-je de lui ? Qu’il a vécu au XXe siècle et qu’il a fait de nombreux clichés en noir et blanc d’habitants de Paris. L’exposition permet de comprendre la raison de ce lieu ici, au beau milieu du Périgord Noir. Il a passé ses 1rs congés payés, en 1937, en Dordogne et dans le Lot. Le photographe avait confié qu’il trouvait que ces paysages étaient les plus beaux du monde. À l’époque, les moyens de voyager loin n’existaient pas, ce qui donne une autre perspective sur le monde. En d’autres termes, je trouve que de nos jours, on a plus d’éléments de comparaison avant de qualifier un lieu de « plus beau bel endroit du monde ». Ce qui n’empêche pas de préférer un petit coin de nature dans sa région d’origine à un site touristique à l’autre bout du monde.
La petite pièce est bien aménagée et j’apprécie qu’il n’y ait pas beaucoup de contenus à lire. Les photographies en noir et blanc montrent des amis de Doisneau en train de faire du canoë sur la Dordogne. Sur une agrandie, je vois les jeunes gens qui prennent la pose dans des embarcations gracieuses. Ils ont tous le sourire aux lèvres et lèvent les bras, la pagaie à la main. Je me mets à la place du photographe. Il devait entendre les cris de joie des pagayeurs. Le décor naturel visible sur les photos, qui est celui où je me trouve aujourd’hui, n’a pas dû beaucoup changer. Est-ce que les clichés étaient à but professionnel ? C’est peu probable.
La pièce à l’étage est dédiée à la vie quotidienne des habitants de la région à l’époque où Robert Doisneau séjournait ici. Sur les clichés pris par celui-ci, les visages et habits des personnes immortalisées me fascinent. Ils m’évoquent un lieu et une époque insouciants. Soudain, j’en remarque une sur laquelle des paniers énormes, remplis de prunes et posés par terre, apparaissent. La légende indique qu’il s’agit de la place du marché d’un village de la région, dans les années 1930. On mangeait local à cette époque. Plus loin, un cliché montre une femme, assise sur un tabouret, en train de gaver une oie. Elle semble remplir de grains un entonnoir équipé d’un broyeur.
Un atelier numérique de développement de photos se trouve aussi là. Je m’exerce à cette technique en plaçant des négatifs virtuels dans des bains placés les uns à la suite des autres.
L’aménagement de ce bâtiment en musée doit être récent. Cette surprise sur mon chemin me ravit, et c’est pour cela que le vélo est un moyen idéal pour découvrir une région. En d’autres mots, je trouve que, lors de longs trajets à vélo, la probabilité de découvrir des attractions culturelles ou historiques est élevée. Reconnaissant aux personnes qui ont permis la création de ce lieu au bord de la voie verte, je repars en chemin.
Le Périgord Noir à vélo, de Sarlat à Terrasson-Lavilledieu
C’est la 1re fois que je me rends dans le célèbre village médiéval de Sarlat, la capitale du Périgord Noir. J’ai donc besoin d’être guidé pour savoir quels sont les lieux d’intérêt.
Dans l’office de tourisme, on me vend un dépliant qui présente un circuit à pied dans la partie ancienne. Je sors et pousse mon vélo à pied car les rues sont très fréquentées. Quelques mètres plus loin, j’atteins la place du Peyrou. L’endroit, où je vois des restaurants et cafés, est animé.
La cathédrale Saint-Sacerdos est la 1re étape. Quand je pénètre à l’intérieur, la forme pentagonale du choeur me surprend. Cependant, la visite ne m’intéresse pas. Je sors par une porte latérale, qui donne sur un jardin à l’écart de l’agitation. Le dépliant m’informe sur l’histoire du lieu. C’est ce qui m’intéresse le plus. Les yeux sur les textes, j’apprends que c’était le 1er cimetière de Sarlat, au Moyen Âge. En avançant, je remarque autour de moi des pierres tombales, qui portent les traces des siècles, posées sur l’herbe. En haut d’une butte, je profite de la vue sur la cathédrale, avant d’emprunter un sentier qui me ramène sur la place.
Le décor me rappelle qu’au Moyen Âge, la religion était très présente dans la vie des gens. Sur mon trajet dans Sarlat, les monuments de cette période se succèdent. Ils sont le plus souvent situés dans des rues étroites. Je suis surpris de voir les édifices si bien préservés. Saviez-vous que son secteur sauvegardé a la plus forte densité en immeubles classés au monde ?
Une découverte me surprend : un hôtel particulier du Moyen Âge qui accueille des logements HLM. Je note que les lieux ont la même fonction qu’autrefois. Tout ne peut pas être transformé en musée.
Ensuite, je m’arrête sur la place du marché aux oies. 3 statues représentent cet animal. Le lieu me plaît car plus intimiste que la 1re place que j’ai vue. Je m’assieds sur un muret en pierre puis mange mon pique-nique, tout en admirant ce cadre ancien sublime.
Après cette demi-journée marquée par les monuments et les visites culturelles, je suis fatigué intellectuellement. Lire les explications historiques de chaque site me plaît, mais je perds en concentration. De plus, les efforts à vélo causent de la fatigue, qui commence à se faire sentir.
Pour recharger mon téléphone avant de partir, je m’installe à une terrasse de café sur la place principale. Devant ma bière, pendant que ma batterie se recharge à l’intérieur, j’entends parler anglais avec un accent britannique. Depuis mon arrivée, le nombre de touristes anglais croisés m’impressionne. Ils ont la réputation d’aimer la Dordogne, mais je ne pensais pas en voir autant. Pourquoi viennent-ils dans la région ? La verdure doit leur rappeler leur pays, mais d’après moi, lorsqu’on voyage, on apprécie de voir des paysages qui changent de chez soi. Il y a bien des liens historiques entre l’Angleterre et le Sud-Ouest de la France, qui a été sous domination anglaise pendant 3 siècles. Ceux-ci ne peuvent pas expliquer l’attrait des Britanniques pour la Dordogne, qu’on observe depuis quelques décennies.
En quittant Sarlat, je m’engage sur le départ de la Flow Vélo. L’itinéraire mène jusqu’à l’île d’Aix, en Charente-Maritime. La 1re étape correspond à peu près au trajet que je compte faire cet après-midi jusqu’à Terrasson-Lavilledieu.
J’atteins l’hôpital de Sarlat et, au milieu d’une côte, il semble que je me sois trompé de chemin. Pourtant, je viens de passer devant un panneau portant le signe de la Flow Vélo. Je fais demi-tour. Cela commence bien !
En suivant le chemin que me conseille Google Maps, je roule sur une route qui passe au milieu du centre hospitalier, mais je ne vois aucun panneau de la Flow Vélo. En conséquence, je reviens à nouveau devant le dernier balisage que j’ai vu. Tourner en rond me faire perdre du temps et m’énerve. Il ne faut pas que je rate mon train. Puis, une solution me vient à l’esprit : regarder l’itinéraire sur le site officiel de la véloroute. Je m’arrête, saisis mon smartphone et ouvre leur carte. Tout s’éclaire : avec soulagement, je trouve la route à suivre. Celle-ci se met à monter à la sortie de la ville. Heureusement, il y a peu de voitures, et je peux zigzaguer pour réduire mon inclinaison. Des douleurs se font sentir dans mes jambes et de la sueur coule dans mon dos. Je vois devant moi la route former un virage, ce qui m’empêche de savoir jusqu’où la montée continue.
Le VTC est plus difficile à faire avancer dans les cotes que mon ancien gravel. C’est un des inconvénients de ce type de vélos. Dans un moment de grand effort, je pense à descendre à terre et à pousser mon vélo à la main. Cette pensée sort vite de ma tête car je me sens capable de continuer à pédaler.
Soudain, je vois la route s’aplatir. Le paysage change aussi. Je roule toujours sur une route goudronnée, mais cette fois, devant des champs, qui cohabitent avec des zones verdoyantes. Tels les petits cailloux du petit poucet, les panneaux de la Flow Vélo me rassurent. Me tromper de chemin pourrait me faire rater mon train. C’est pour cette raison que je regarde de temps en temps la carte sur mon smartphone.
Malgré ces précautions, je remarque soudain que je roule depuis 5 minutes sur la mauvaise route. Comment ai-je pu me tromper alors que je suivais l’itinéraire ? Ai-je raté un panneau de la Flow Vélo à une intersection ? Pas le temps de gamberger. Il faut accélérer pour rejoindre le tracé de la véloroute au plus vite, un peu plus loin.
Dès qu’une descente est en vue, je passe à une vitesse supérieure. Mon vélo, stable et puissant, accélère.
Avec soulagement, je vois à nouveau le balisage. Puis, je rejoins un chemin de terre. Personne n’est en vue. Quitter la route pour voitures est un soulagement. Par ailleurs, les champs dorés qui m’entourent m’émerveillent. Je préfère ce décor aux zones vallonnées et verdoyantes que je viens de traverser. Cet attrait pour les espaces dénudés, voir désertiques, date d’il y a longtemps. Je me rappelle mon périple dans les Alpujarras et la Sierra Nevada, il y a 2 ans.
Mon vélo sursaute sur les cailloux. Soudain, ma roue heurte une pierre. Je sens un choc à la main et je change de trajectoire. J’arrive à redresser le guidon, mais je dois ralentir pour éviter de tomber. Ma concentration se porte sur mes changements de vitesse et mes jambes, pour avancer le plus vite possible, sans chuter.
Puis, j’atteins une voie en pente ascendante couverte de grosses pierres. Elle ressemble plus à un chemin de randonnée qu’à un passage pour vélos. Sans VTT, il me semble impossible à gravir. Le doute m’envahit. Je regarde la carte de la Flow Vélo : à nouveau, je me suis trompé d’itinéraire. Pourtant, j’ai pris mon temps aux intersections pour ne pas passer à côté des balisages.
Les yeux sur Google Maps, je découvre que je me trouve à 6 km de Terrasson-Lavilledieu et que le chemin devant moi mène à mon but. Revenir en arrière pour retrouver l’itinéraire me ferait perdre trop de temps. Je décide de m’engager sur cette voie technique. Cependant, il n’y a pas d’illusion à se faire : j’arriverai trop tard à la gare. En route !
Je descends de selle et pousse mon vélo qui sursaute sous les pierres. Soudain, je vois derrière moi mon tapis de sol qui dévale la pente. Je lui cours après. Il faut que je m’achète un nouveau tendeur car l’actuel est déchiré et ne maintient pas assez mon tapis de sol sur mon porte-bagage.
La progression est lente. Mon seul espoir est un retard du train. Lorsque j’arrive à Terrasson-Lavilledieu, je roule aussi vite que possible. Une grande ligne droite, qui me semble interminable, mène jusqu’à la gare.
Sur le quai désert, j’apprends que mon train pour Périgueux est passé il y a 10 minutes. La déception m’envahit, mais je sais que je vais trouver un moyen pour rentrer à Bordeaux. La question est : quand ?
Un séjour imprévu à Périgueux
Deux options s’offrent à moi : prendre le dernier TER pour Périgueux puis espérer qu’il reste un train pour Bordeaux ou bien réserver un bus. Le 2de me paraît préférable, car Flixbus assure une liaison entre les deux chefs-lieux en fin de journée. Le problème : il n’est pas possible d’emporter son vélo dans le bus. Il va sûrement falloir passer la nuit à Périgueux. Pour positiver, je me dis que je suis en bonne santé. C’est le plus important.
Après 1h d’attente, je monte dans le TER. À l’arrivée, j’apprends que les prochains trains pour Bordeaux partent demain, très tôt. Je vais dans l’espace de repos pour voyageurs de la gare pour recharger mon portable et faire le point. Si je dors ici, je risque de passer une mauvaise nuit. Il vaut mieux poser ma tente à l’écart de la ville. Réserver une chambre d’hôtel ? Je veux éviter une nouvelle dépense après avoir dû acheter deux billets de train supplémentaires.
Les yeux sur mon smartphone, je quitte la gare, où je reviendrai vers 7h. J’ai décidé de ne pas partir trop tôt lundi matin pour dormir assez, étant donné qu’une journée de travail m’attend. Sur Google Maps, je remarque une zone qui a l’air champêtre. Arrivé dans le quartier, je passe devant un grand terrain couvert d’herbes hautes. Au milieu, un chemin mène à une maison, que je distingue au loin. Je décide de m’arrêter au bord de la route pour manger, car je ne peux pas prendre de décisions avec la faim.
Soudain, je vois un homme, qui promène son chien, s’approcher.
– « Savez-vous où je peux planter ma tente pour la nuit dans les environs ?
– Je pense que vous pouvez aller où vous voulez. Mettez-vous en bas de ce terrain par exemple, caché derrière la forêt. En tout cas, moi, c’est ce que je ferais. À part les sangliers, il n’y a pas grand risque. Personne ne va venir vous déranger ! »
Cet échange me fait du bien car elle me rassure. Je m’explique : je suis dans un état de stress et recevoir de l’aide d’un sympathique local me redonne confiance en moi.
Le soleil est en train de se coucher. Je me dépêche pour descendre le chemin. La vue sur le décor rural est magnifique. C’est surprenant de voir ce paysage champêtre à seulement 15 minutes du centre-ville.
Arrivé à l’entrée de la forêt, je m’installe. Ici, on ne me peut pas me voir depuis la route. J’accroche mon sac de nourriture à environ 20 mètres de ma tente, sur une branche, pour ne pas attirer les sangliers. Comme c’est souvent le cas lorsqu’on fait du bivouac, des bruits d’animaux s’élèvent. Ce sont des chants d’oiseaux, des sons de petits mammifères et, au loin, des hurlements rauques.
Vers 3h, d’autres sons me réveillent : la pluie tombe sur ma tente. Ils sont bas d’abord, puis s’intensifient et s’accélèrent. Impossible de dormir. Soudain, je ressens des gouttes d’eau sur mon visage. Il faut aller se mettre à l’abri pour ne pas finir trempé. Je décide donc de me rendre à la gare, 2h avant que mon réveil ne sonne. Dès que je sors de la tente, je prends conscience de la force des précipitations. Dans l’obscurité, il est difficile de voir où se trouvent mes affaires. Sous le déluge, je vais chercher le sac de nourriture, puis je me dépêche à ranger ma tente et, après avoir vérifié que je n’ai rien laissé par terre, je traverse le terrain aux hautes herbes. Puis, la gare qui s’éveille m’accueille enfin.
Je suis amer de cette mésaventure. Lors de mon prochain périple, je prévoirai plus de temps avant l’heure du départ, pour arriver à l’heure à la gare.