Le salon du livre ancien, lieu de découvertes et d’échanges

Un salon du livre ancien se tient une fois par an dans la cour Mably, un bâtiment du centre-ville de Bordeaux. Par curiosité, j’ai décidé de le visiter.
Stands de livres d'occasions sur le salon du livre ancien de Bordeaux.

En me dirigeant vers l’espace où a lieu l’événement, je me demande ce qui m’attend sur place. Je ne sais pas en quoi consiste ce salon, ni qui sont les exposants.


Une grande diversité d’ouvrages

Lorsque je pénètre dans la cour intérieure, je suis déçu de voir l’endroit si peu fréquenté. Je suis sûrement arrivé à une heure creuse. L’allée entourant la cour accueille les stands. Ces derniers me rappellent une brocante, excepté qu’ils ne proposent que des livres, des magazines et des BD.

Tout en admirant l’environnement, j’emprunte l’allée où règne le silence parfois interrompu par les vendeurs de livres qui discutent entre eux. Les murs de pierre blonde typiquement bordelaise forment des arcades à la fois élégantes et austères. Les pavés anciens de la cour donnent un aspect historique au lieu. Je vois en arrière-plan un clocher fait de la même pierre s’élancer dans le ciel. Je me dis que la cour Mably est un endroit idéal pour accueillir un salon consacré aux livres anciens.

La variété des époques et des styles d’ouvrages m’attire car je ne sais jamais sur quoi je vais tomber en m’approchant d’un stand. Je remarque une pile de magazines Tintin bien rangés sur une table. Leur couverture est jaunie et le papier me semble fragile. Ils doivent dater des années 50. J’en feuillette un en espérant trouver des aventures de Tintin que je n’ai pas lues, mais le reporter belge est absent du numéro.

Sur un stand à proximité, un grand nombre d’ouvrages plus récents mais datant du XXe siècle s’alignent. Je vois un grand livre sur lequel je lis “L’art prussien”. J’ai du mal à le manipuler tellement il est lourd, mais j’admire son contenu avec plaisir car il contient de nombreuses photos en grand format de palais de Potsdam.

Libraire ancien : un métier en évolution

En remontant l’allée, je me décide à discuter avec un des propriétaires de stand. J’en remarque un qui n’est pas en train d’échanger avec des visiteurs. Sa plus vieille pièce date du début du XVIIe siècle ! C’est une des premières éditions des Essais de Montaigne, répartie en trois petits livres marron. Leur dos orné de motifs élégants est abimé, mais je trouve leur couverture en bon état pour leur âge. Je ne les aurais pas imaginé aussi vieux car ils semblent anodins au milieu des autres ouvrages. De plus, leur prix me paraît bas. J’en ouvre un et le sens. Son odeur le fait paraître encore plus ancien qu’il n’est vraiment. J’aime feuilleter rapidement des livres d’occasion car leur odeur est différente des livres neufs.

Une des premières éditions des « Essais » de Montaigne, datant du XVIIe siècle.

Le propriétaire, Luc Martin, est un libraire qui ne vend ses livres que sur des salons. Ne serait-il pas bénéfique pour lui de vendre sur Internet ? Il m’explique qu’il aime rencontrer les acheteurs en vrai. Par ailleurs, il ne possède pas de librairie physique car il ne peut pas à la fois être présent dans une librairie et se rendre sur les salons. En l’écoutant, je me dis que ce métier est bien difficile.

Je me sens proche de lui lorsqu’il m’apprend que son genre préféré, la spécialité de sa librairie, sont les récits d’aventures et les livres de voyages.

Un peu plus loin, je vois un libraire en alerte. Il renseigne les visiteurs, qui sont de plus en plus nombreux sur le salon. Le libraire, Laurent Desrois, me dit que la fréquentation du salon a chuté par rapport à l’année dernière, ce qui ne m’étonne pas. Il possède une librairie physique dans le centre de Bordeaux dans laquelle il vend des livres du XVIe au XXe siècle. Lorsqu’il m’explique qu’il y avait 70 librairies anciennes à Bordeaux lorsqu’il s’est installé il y a 28 ans, et ajoute qu’il n’y en a plus que 6 ou 7 aujourd’hui, je trouve à nouveau le métier difficile.

Pourtant, je trouve qu’acheter dans des librairies d’occasion est judicieux. Cela coûte moins cher et réduit la quantité de déchets. Cependant, je n’achète que rarement des livres de seconde main. D’abord, parce que la plupart de mes livres sont des cadeaux, et qu’ensuite, lorsque j’ai une idée précise du livre que je veux, acheter neuf est plus rapide. D’après Laurent Desrois, les gens qui ont entre 25 et 35 ans lisent peu, ce qui explique les difficultés rencontrées par les libraires anciens.

Je suis à moitié surpris de l’entendre dire cela. Je crois que les gens qui ont grandi avec Internet ont du mal à lire parce qu’il y a beaucoup de contenu en ligne et que la tentation de regarder des vidéos, plus accessibles que les livres, sur son smartphone est forte. C’est ce que confirme un documentaire d’une youtubeuse littéraire.

Même si je ne lis que 5 à 10 ouvrages par an, j’ai toujours quelque chose à lire. De plus, j’ai repris goût à la lecture il y a 2 ans, mais me mettre à lire me demande un effort. Ce n’est qu’après 10 ou 15 minutes souvent sans saveur ni concentration que la lecture devient un moment de plaisir. Ainsi, j’essaie de réserver au moins 30 minutes pour lire, le plus souvent avant de me coucher.

Par ailleurs, je crois que, pour que la lecture soit riche, il est important de chercher des ouvrages et de rester curieux. Je veux dire par là qu’il faut trouver les bons livres. En consultant des critiques littéraires et en discutant avec mes proches, j’élargis mes horizons et trouve des livres qui valent la peine d’être découverts. Par exemple, c’est dans un magazine généraliste que j’avais entendu parler du Temps de l’innocence, un roman historique d’Edith Wharton sur la haute société de New-York à la fin du XIXe siècle et qui m’avait plu.

Je rentre dans une salle devant la cour où je découvre de nombreux autres stands. Et alors je remarque des étagères près de moi où trônent des livres bien rangés. Mon regard se porte sur un ouvrage rouge en bon état. C’est l’édition originale, datant de 1926, de Makhno et sa juive, de Joseph Kessel. Ses romans historiques ou d’aventure me plaisent, mais je n’ai jamais lu celui-ci.

Non loin sur l’étagère, je lis sur une petite carte plastifiée les inscriptions “Bible humaniste” et “1498”. Je ne trouve aucun livre à côté.

Je vais à la rencontre du libraire. La bible était son plus vieux livre, un incunable. Du latin “incunabula”, qui signifie berceau, un incunable est un livre imprimé qui date d’avant 1500. J’imagine que la recherche d’un livre qui date des premières années après l’invention de l’imprimerie a dû durer longtemps mais a été gratifiante.

Le libraire, Jean-Luc Boisseau, vend sur des salons et en ligne, sur AbeBooks. Il nuance en expliquant qu’il ne met qu’une centaine de livres en vente sur Internet car l’ajout des photos et la rédaction des descriptions demandent beaucoup de temps. De plus, il préfère rencontrer les acheteurs “en vrai”, comme Luc Martin. Jean-Luc Boisseau croit que le métier de libraire continuera d’exister mais doit s’adapter à Internet.

Au salon du livre ancien de Bordeaux, une édition originale du livre de Joseph Kessel « Makhno et sa juive ».

Rencontre avec un transmetteur de mémoire

Puis, je marche à travers la salle. Je ne croise que peu de jeunes, ce qui me déplaît. La plupart des gens doivent avoir plus de 50 ans.

Au bout de la salle, je vois sur une petite table plusieurs exemplaires d’un livre. Je m’approche car je lis sur la couverture le mot “Harki”. Un homme souriant est assis derrière la table :

– “Savez-vous ce que ‘Harki’ veut dire ?

– Oui.

Il est agréablement surpris :

– Où l’avez-vous appris ? À l’école ?

– Je ne sais pas… Non, je ne crois pas que je l’aie appris à l’école. Je sais ce que ça veut dire parce que l’Histoire m’intéresse.”

L’auteur du livre, Michel Messahel, est l’homme assis. Il est enthousiaste de discuter avec un jeune qui s’intéresse au sujet de son livre. Ce dernier raconte l’histoire de son père, un Harki, c’est-à-dire un Algérien faisant partie des supplétifs engagés dans l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Les Harkis servaient dans des Harkas, mot issu de l’arabe haraka qui signifie “mouvement”. Une Harka désigne une milice levée par une autorité politique ou religieuse. Comme beaucoup d’autres Harkis, son père a dû émigrer en France à la fin de la guerre.

Michel Messahel m’apprend qu’une journée d’hommages aux Harkis existe depuis 2001. Cependant, je crois que peu de gens de mon âge, ou plus jeunes que moi, connaissent leur histoire. Pour écrire son livre, l’auteur a passé beaucoup de temps à rechercher et interviewer des témoins de cette époque encore vivants. 14 années se sont écoulées entre le début de ses recherches et la publication de la 3e édition. En l’écoutant parler avec passion de ce sujet, je suis admiratif de sa détermination à transmettre la mémoire.

Je ressors dans la cour, puis je balaie du regard des tables recouvertes de livres avant de quitter les lieux.


Et vous, quel est votre rapport à la lecture ? Où préférez-vous acheter vos livres ?

Dites-le moi en commentaires !


Le salon du livre ancien a lieu dans la cour Mably tous les ans. C’est un des deux salons organisés chaque année à Bordeaux par l’association Amis du livre ancien et moderne (ALAM). L’autre se tient dans le quartier des Chartrons. Je vous retrouverai sur place avec plaisir lors des prochains salons, probablement à la fin 2023 et en janvier 2024 !

Découvrez-en plus sur le travail des personnes que j’ai rencontrées sur le salon :


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2 commentaires

  1. Joli billet qui retranscrit bien l’atmosphère du salon de Mably, fait de rencontrer avec des ouvrages, des amateurs de vieux livres, des libraires, des auteurs, tout un petit monde en quête de quelque chose et qui se croise presque par hasard entre les murs du couvent.

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